La grogne se fait entendre en Algérie. La colère menace d’éclater. Depuis le 22 février dernier, le peuple algérien manifeste contre Abdelaziz Bouteflika, actuel président, qui a annoncé sa candidature pour les élections d’avril prochain. Zoom sur une crise politico-sociale relativement inédite dans le pays et qui ne cesse de croitre.
Alors que se profile la grande manifestation du 8 mars, la crise semble prendre un nouveau tournant en Algérie. La colère semble de plus en plus généralisée. Le ras-le-bol excessif. La semaine a été marquée par de nombreuses protestations partout dans le pays et notamment dans le centre d’Alger (où les manifestations sont interdites depuis 2001). La « diaspora » algérienne dans le monde est d’ailleurs solidaire de ce mouvement : on retient notamment les manifestations qui ont récemment eu lieu à Marseille.
Au centre de toutes les hostilités, un homme. Un président de 82 ans. Victime d’un AVC en 2013 et associé au pouvoir depuis 1999, Abdelaziz Bouteflika voit sa capacité à gouverner le pays pour les prochaines années largement remise en question. Néanmoins, à travers lui c’est un tout un système qui est visé. Un appareil étatique dépassé tant politiquement que socialement.
Du point de vue politique, les Algériens réclament un renouvellement du paysage. Cela s’applique bien sûr aux représentants accrochés depuis trop longtemps au pouvoir, Abdelaziz Bouteflika en tête. Mais ce sont aussi des revendications plus globales. Celles qui demandent un suffrage qui ne serait pas truqué et où l’opposition serait entendue. Celles aussi qui espèrent un conseil constitutionnel enfin indépendant de l’autorité présidentielle et de véritables contrepouvoirs à l’exécutif. Bien évidemment, la corruption omniprésente est également visée. En d’autres termes, selon l’opposition, il existe une véritable volonté de mettre fin à un régime autocratique qui adopte une façade démocratique.
Les motifs de la contestation généralisée en Algérie ne se cantonnent pas au politique, ils sont aussi à chercher dans le social. La jeunesse a pris comme une véritable humiliation que Bouteflika, qualifié de « presque vivant », veuille se représenter. En plus d’être le symbole d’un régime rejeté, il constitue un frein à leurs aspirations personnelles. Il s’agit aussi et surtout de revendiquer une libéralisation généralisée d’un état policier qui ne laisse que peu d’espace à l’individu. En outre, l’économie confrontée à des difficultés croissantes depuis la baisse des cours du pétrole n’offre que peu de perspective à cette jeunesse désabusée.
Alors que le régime ne semble pas prêt à lâcher du lest, nombre d’observateurs associent la situation actuelle à une « cocotte-minute qui n’a pas encore explosé mais qui est en train de siffler ». Il est certain, toutefois, que cette contestation générale atteint des sommets inédits dans l’histoire récente du pays.
Maxence Gevin