C’était environ 21h30, vendredi soir. J’étais avec des amis, dans la rue, on marchait et on avait un peu bu. D’un coup, on voit les alertes sur nos téléphones : « fusillade dans un bar à Paris, au moins 10 morts ». On est surpris, intrigués, mais on continue notre chemin. Puis on rentre, et on voit les alertes défiler, le nombre de morts augmenter : 20, 30, 40, 60… Prise d’otages au Bataclan, on commence à comprendre la gravité, on regarde les informations sur Internet, puis on se dit que ça ne sert rien, on verra demain. On reprend tant bien que mal notre soirée où on l’avait laissée, mais nos esprits sont ailleurs, inquiets. Et les alertes continuent : une centaine de morts. En fait on ne réalise pas vraiment…

Puis le lendemain, je me lève et j’allume la télé, et là c’est le choc. 129 morts, plus de 300 blessés, toutes les chaînes en édition spéciale, je reste bouche bée. Je réalise l’ampleur des attaques, on n’a jamais vu ça. Des gens fusillés sur des terrasses de café et dans une salle de concert, par des barbares qui se font exploser, en 2015. Le tout neuf mois après Charlie… Mais dans quel monde vit-on ? Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? Ça va recommencer tout le temps comme ça ? Je me pose plein de questions. Des témoignages commencent à la télé, ça donne les larmes aux yeux. Je n’arrive pas à imaginer comment ont pu réagir les gens en voyant débarquer un type avec une kalachnikov dans un café ou une salle de concert. Et pour ceux qui ont survécu, comment vivre après ça ? C’est horrible. J’ai de la famille en région parisienne, mais heureusement tout va bien.

Triste, dépité, abasourdi, je ne pense qu’à ça toute la journée. Mais la vie doit continuer, j’ai un sujet à faire pour La Provence l’après-midi, sur un thème qui n’a rien à voir. Je n’ai pas envie, mais j’y vais, peut-être que ça me changera les idées. J’y parviens tant bien que mal. Je n’ai pas envie de rester seul. En sortant dans la rue, j’avais l’impression que tout était normal, le centre-ville était bondé : comme tous les samedis, les gens font les magasins. Je suis un peu surpris mais c’est comme ça, il faut vivre et ne pas céder à la peur. C’est difficile mais nécessaire. Dimanche, l’émotion redescend, j’arrive à penser à autre chose et je sors. Au final, j’ai passé une grande partie du week-end scotché aux informations. Lundi les cours reprennent, mais évidemment ça reste imprégné dans notre esprit. Minute de silence à la fac, on chante tous la Marseillaise, c’est émouvant.

Puis vient le temps des réactions politiques. L’après midi, je suis le discours de François Hollande au Congrès, que j’ai trouvé juste et à la hauteur des événements. Il annonce des mesures chocs, mais que je pense nécessaires. Tous les élus chantent la Marseillaise, c’est impressionnant. Mais « l’unité » ne fait pas long feu, le soir même, les politiques (re)commencent à s’écharper dans « Des paroles et des actes ». C’est déplacé, beaucoup trop tôt. Et le lendemain ça continue à l’assemblée. Fini « l’esprit du 11 janvier », dès qu’un ministre prend la parole, il est hué par l’opposition, qui pourtant ne peut être en désaccord avec les mesures annoncées. J’ai trouvé ça indécent et puéril, indigne d’élus de la République. Le gouvernement aurait peut-être dû attendre un peu avant de faire ces annonces… Certains disent que ce n’est pas assez, d’autres que c’est trop. Personnellement je pense que ces mesures sont largement justifiées, et qu’il faudrait s’unir plutôt que de toujours tout critiquer. On n’a pas le choix, c’est comme ça, il faut accepter que la vie ne sera plus tout à fait pareil, on a besoin de sécurité. Après vient la question de « faire la guerre ». De toute façon, qu’on les attaque ou pas, les terroristes continueront de frapper, donc je pense qu’il faut faire tout ce qui est possible en utilisant tous les moyens pour essayer d’anéantir cet « État » islamique : le gouvernement a raison.

Tous les Français se sont unis, le monde entier s’est tourné vers la France, c’est beau à voir. Les monuments éclairés aux couleurs de la France, les hommages sur les réseaux sociaux, le drapeau tricolore sur Facebook… Ce ne sont que des symboles, mais c’est un bel hommage.

Maintenant il faut que les choses reprennent leur cours, continuer à sortir, à s’amuser à rigoler, à bouger… Ce n’est pas en restant cloitrés et meurtris qu’on résoudra quoi que ce soit.

Thibault FRANCESCHET