Pour la Biennale « Chroniques » dédiée à l’art numérique, la Friche Belle de Mai héberge l’exposition « Supervisions », aussi dérangeante que captivante.
Les habitants de la Belle de Mai le savent, les fenêtres de la friche scintillent habituellement pour illuminer le ciel du quartier. Mais depuis le 8 novembre, et jusqu’au 15 décembre, elles ont toutes été condamnées. Aucune lumière ne doit pénétrer à l’intérieur des salles d’exposition de l’imposant bâtiment, afin que les visiteurs de l’exposition « Supervisions » puissent profiter des œuvres. La plupart d’entre elles sont en effet projetées sur les murs en béton de l’ancienne manufacture de tabac. Une fois à l’intérieur, je suis d’abord saisi par l’ampleur de l’exposition. Des milliers de mètres carrés s’offrent à moi. Étonnamment, « Chroniques » n’a pas de sens de visite. De quoi accroître encore mon impression d’égarement. Je déambule passivement, et les images défilent face à moi comme si j’étais derrière mon ordinateur.
Au hasard, je commence par une première salle. Là, je me retrouve plongé dans la pénombre, et des formes bizarres sont projetées partout autour de moi. J’aperçois, par exemple, une femme qui se tord de douleur en criant des mots incompréhensibles avec une voix dissonante. La seconde salle est plus ludique. A l’entrée, une première œuvre donne le ton et me décroche un sourire : un tapis équipé de quatre hélices, sobrement appelé « Tapis volant ». Quelques mètres plus loin, un avion taille réduite, couvert de miroirs sur toute sa surface. Tout l’étage semble être organisé autour de l’envol, qui est le thème de l’exposition. Mais encore une fois la gêne n’est pas loin. Au fond de la salle, je m’assieds en face d’un écran. Je pensais d’abord être face à une vue de la terre depuis l’espace, mais c’est finalement la trajectoire d’un missile qui finit par s’écraser sur une ville.
Vernissage oblige, à la fin de l’exposition, un bar et un restaurant sont ouverts au public. Mais, derrière une porte un peu dissimulée, je découvre une dernière œuvre. Il s’agit d’un film documentaire assez lunaire, « Horse day » de Mohamed Bourouissa. Il retrace les pérégrinations d’une bande de cavaliers qui tiennent une écurie dans le quartier de Fletcher Street, l’un des plus pauvres de Philadelphie. Le « Horse day » en question, fait écho à une journée organisée par les cavaliers, durant laquelle ils invitent des artistes locaux à concevoir des costumes pour leur monture. Une sorte de « Pimp my ride » pour chevaux. Les images sont magnifiques et étranges à la fois. L’artiste affirme dans une présentation de son œuvre, que l’on « ne voit jamais de cowboys noirs ».
« Supervisions » n’est qu’une petite partie de la programmation de la Biennale « Chroniques ». Entre Aix-en-Provence et Marseille, et pendant un mois se succéderont expositions, projections, master class et performances artistiques. La programmation complète se trouve sur le site internet de la manifestation.
A la sortie, je suis perplexe. Alma, étudiante en design à Marseille, qui s’est retrouvée là un peu par hasard, me confesse qu’elle n’est pas sûre d’avoir tout saisi : « J’avais l’impression d’être dans le monde d’Alice au pays des merveilles ». Difficile de trouver meilleure comparaison.
Simon Adolf