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La question est à nouveau au cœur des discussions : le 29 octobre 2023, Emmanuel Macron a annoncé vouloir déposer un projet de loi au Conseil d’Etat, afin de garantir la liberté de recours à l’interruption volontaire de grossesse. Si ce projet d’inscription anime les débats depuis maintenant un an, les revendications des collectifs pro (ou anti) IVG font stagner l’évolution de ce droit, acquis depuis la loi Veil de 1975. 

« La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une IVG ». Vingt-deux mots bientôt inscrits à l’article 34 de la Constitution. Cela peut paraître insignifiant, pour autant, ils sonnent comme la consécration de la lutte pour les droits des femmes. Depuis 1975, la voix s’est encore libérée, et les revendications pour la constitutionnalisation de l’IVG, de plus en plus nombreuses, ont poussé le président de la République a vouloir lui accorder une place dans cet article 34. Mais, à travers ce projet de loi, de multiples sujets semblent propices aux débats.

La question de la terminologie : utile ou futile ?

C’est une navette parlementaire incessante : le 24 novembre 2022, l’Assemblée Nationale votait une loi pour consacrer dans la Constitution « le droit à l’IVG ». Le Sénat a rapidement fait machine arrière quand, le 1er février 2023, il s’est prononcé pour le terme de « liberté ». Selon Audrey Bachert, maître de conférences en droit public à la faculté d’Aix-en-Provence, la distinction est fonctionnelle : « la liberté implique une abstention de l’Etat […], quand la notion de droit renvoie plutôt aux actions mises en œuvre par les autorités publiques ».  Face au « caractère plus philosophique » du terme « liberté » choisi par le chef d’Etat, se heurte donc le mécontentement des collectifs féministes. En effet, accessible et effectif, le mot « droit » obligerait l’Etat à mettre en œuvre des moyens pour garantir ce droit sur l’ensemble du territoire. Or, comme revendiqué par le collectif #NousToutes, la loi pour l’accès à l’IVG, aujourd’hui consacrée dans le Code de Santé Publique, est défaillante : d’après la DREES, le nombre d’établissements de santé prenant en charge l’IVG a diminué de 20% entre 2005 et 2018. A cela s’ajoutent difficultés de financement et inégalité d’accès sur le territoire.

Du côté des opposants à la constitutionnalisation de l’IVG, « de vraies conceptions religieuses et bioéthiques »

Au-delà de l’aspect juridique et pratique de la constitutionnalisation de l’IVG, d’autres voix s’élèvent : celles qui, au nom du principe de dignité humaine, s’opposent à sa consécration. « Ils invoquent un argument qu’est la liberté de religion […] reconnaître un droit à l’IVG va à l’encontre du droit à la vie ». « Leurs arguments méritent d’être entendus », poursuit Audrey Bachert, avant de se questionner sur la position des médecins : si la question de la clause de conscience est un vrai débat, comment concilier respect des convictions religieuses et droit des individus à disposer de leur corps ? Selon la maître de conférences, c’est là « le prix à payer pour une démocratie ».  En effet, même si le recours à l’interruption volontaire de grossesse venait à être constitutionnalisé, rien ne serait définitif « le droit n’est qu’un instrument pour régir notre société […] Si on ne peut plus rien changer, il n’y a plus de politique ». Avant toute chose, la démocratie est la voix du peuple. « A nous de placer certaines questions en dehors de tout débat tant elles sont importantes pour nous ». 

Hortense Stock