En salle depuis le 26 janvier, ce nouveau drame politique français nous plonge au cœur des rebondissements qui animent la mairie de Saint-Denis en pleine période de campagne municipale. Isabelle Huppert interprète avec charisme et persuasion, Clémence Collombet, mairesse, assistée par l’exceptionnel Reda Kated dans le rôle de Yazid, chef de cabinet.

Le combat acharné d'une poignée d'élus pour sauver un quartier défavorisé. Le deuxième long-métrage du réalisateur Thomas Kruithof aborde la vie politique des élus sous un angle qui pourrait paraître un peu cliché. Dès le début du film, l’axe principal est exposé. L’une des premières scènes du film nous plonge au coeur du quotidien de la cité des Bernardins. Les inondations, les câbles découverts qui traversent les murs et la misère face aux charges de loyers exorbitantes, la caméra s’est fixée sur des éléments frappants. Situé en banlieue parisienne, l’immeuble est dans un état de décrépitude et les élus doivent se démener pour régler le problème. Isabelle Huppert et Reda Kated, le parfait duo, parvient à dévoiler la façon dont s’exerce le pouvoir local avec un réalisme prenant. La gestion et le contrôle des cités insalubres et des marchands de sommeil qui profitent de la situation sont des problématiques auxquelles beaucoup d’élus sont constamment confrontés. 

Une rupture de mondes tangible dans notre société

Les stratégies et le chantage politiques tiennent également une place centrale, et ce dans toutes les échelles du pouvoir. La réussite est associée aux manœuvres politiques. Un échange entre la mairesse et un membre du gouvernement met l’accent sur la fracture pérenne entre pouvoir local et pouvoir central. « Quand le maire doit rendre des comptes à ses administrés, le ministre n’a de comptes à rendre qu’au premier ministre ». C’est une dénonciation de la décentralisation, de certaines actions primordiales des organes locaux qui dépendent de décisions opaques de l’Etat. Les femmes et hommes politiques locaux sont des gens de terrain, « des gens qui parlent aux gens ». Ils font face aux événements intenses et même à la violence.

Derrière le titre de mairesse se cache un véritable combat

Pour sauver la cité des Bernardins, le plan est d’obtenir une subvention de 63 millions d’euros de l’Etat pour tout rénover. Malgré la bonne volonté du duo, le mensonge pour faire adhérer n’est jamais la solution même si pour la mairesse « une promesse non tenue n’est pas un mensonge ». Mais les convictions ne peuvent pas être négligées bien longtemps. Par naïveté, ou pas, le scénario rappelle la nécessité d’être sincère pour rassembler. Derrière le combat mené d’une main de fer par son chef de cabinet, la mairesse est placée dans une position délicate. En pleine bataille de persuasion avec les gouverneurs centraux, un membre du cabinet ministériel fait tout basculer. Il lui explique qu’elle est dans la balance pour le prochain remaniement. Autrement dit, un poste de ministre pourrait l’attendre. Entre ambition et engagements personnels tenus pendant deux mandats, le poids de la décision est lourd. La force de caractère de Clémence est mise à rude épreuve. Isabelle Huppert incarne avec talent ce tiraillement. Après douze ans à la tête de Saint-Denis, Clémence veut se retirer mais on ressent la difficulté pour la mairesse de lâcher une telle expérience de vie.

Un clin d’œil notable aux enjeux politiques actuels

Les codes de la politique n’épargnent personne. Nombre de scènes rappellent que chaque combat nécessite des sacrifices. Dans notre façon de gouverner, aucune avancée n’est possible sans eux. Un film ancré dans les failles de notre système mais aussi dans nos enjeux politiques actuels. La mise en lumière des coups politiques et du thème régulièrement débattu des logements insalubres, font indéniablement écho à l’élection présidentielle. Avec sensibilité et humanisme, les épatants jeux d’acteurs du couple politique refoulent avec brio l’immuable généralité du « Tous pourris ».

Tessa Jupon