Ce deuxième confinement ressemble à un coup de massue pour les musées et les galeries d’art. Déjà fermés au printemps dernier, ces établissements vivent une année très compliquée. Le recours au numérique apparaît comme la seule option pouvant limiter des dégâts déjà importants.

La nuit des musées, initialement prévue en mai, s’est déroulée ce samedi 14 novembre. Mais petit détail, qui n’en est pas un, elle a eu lieu exclusivement sur internet. Les musées, considérés comme des établissements dont l’activité n’est pas indispensable au fonctionnement du pays, ne peuvent pas recevoir de public. Internet s’avère alors la seule solution pour organiser des visites.

Ces visites virtuelles, amorcées au mois d’avril par une poignée d’établissements, sont désormais organisées par de nombreux musées. Depuis leur salon ou leur lit, les amateurs d’art peuvent découvrir les peintures et sculptures des plus beaux musées du monde. Le  Louvre, le château de Versailles, le musée Van Gogh d’Amsterdam, le MOMA de New-York ou encore le British Museum de Londres sont accessibles en un clic. Les établissements moins célèbres, à l’image du musée Unterlinden de Colmar, proposent aussi cette expérience. Le virtuel reste la seule échappatoire pour que les structures culturelles maintiennent le contact avec leurs publics. Pour entretenir ce lien et réunir le plus de monde lors des visites en ligne, les musées ont massivement recours aux réseaux sociaux. Le ministère de la Culture a lancé l’opération #CultureChezNous. Les expositions se déroulent à travers des lives Facebook ou Instagram ou par l’intermédiaire de vidéos YouTube.

Ces visites en ligne présentent de nombreux avantages. Elles sont gratuites, attirent un public relativement jeune et demeurent interactives. La technologie offre de multiples possibilités de visionnage (zoom, points de vue et angles différents) et donne ainsi au spectateur l’impression de s’approprier l’exposition. Bien sûr, rien ne peut remplacer une visite « réelle ». Mais le recours au numérique permet le maintien de l’activité des musées. Si celle-ci ne semble apparemment pas indispensable, les dix millions de visiteurs annuels du Louvre illustrent malgré tout son importance.

Le poids de la culture dans l’économie française, estimé à 2,3% du PIB national, demeure lui aussi conséquent. Mais ce pourcentage pourrait baisser dans les mois à venir. Malgré les diverses aides et subventions étatiques, la crise va engendrer une baisse moyenne des chiffres d’affaires de plus de 30% en 2020 pour les musées, privés des recettes issues de la billetterie et de la boutique souvenir, mais aussi pour les galeries d’art.

Pour tenter de vendre leurs œuvres, elles aussi se sont tournées vers internet. Octave Chegaray, qui travaille dans une galerie parisienne explique avoir « dû développer d’autres moyens de communication et de vente afin de proposer les œuvres d’art à des clients dont le passage est devenu inexistant ». Les ventes aux enchères se déroulent en ligne. Pour mettre en avant leurs marchandises, certains commerçants « filment des expositions improvisées avant de les envoyer via des newsletters ». Heureusement pour Octave, la clientèle de sa galerie est « principalement composée de décorateurs très riches » dont le pouvoir d’achat reste peu sensible aux fluctuations économiques. Mais quel que soit le chiffre d’affaires réalisé, les galeries sont fragiles financièrement car elles ne possèdent pas d’avance sur trésorerie. Par ailleurs, la vente en ligne supprime la rencontre de l’acheteur avec l’œuvre et l’artiste, élément clef dans le processus d’achat. Selon le Comité Professionnel des Galeries d’Art (CPGA), un  tiers d’entre elles pourrait mettre la clé sous la porte dans les douze prochains mois.

Raphaël Hazan