©Magistère DJC (Fanny Bonfils)
Attente, salle comble, émerveillement : l’avant-première de Dune, le nouveau long-métrage du spécialiste québécois de la science-fiction, Denis Villeneuve, n’a pas fini de faire parler d’elle. Elle s’est déroulée mardi dernier au Cézanne, le plus grand cinéma du centre-ville aixois. Cet événement m’a permis de renouer avec une kyrielle d’émotions. 

Patience, patience … J’arrive pourtant avec une vingtaine de minutes d’avance, mais il est déjà trop tard. Beaucoup trop tard. J’interroge, au cas où, sait-on jamais, le premier amateur de films d’anticipation dont le regard – plein d’excitation – croise le mien : « Vous avez bien réservé … ? ». La réponse est sans appel. Oui, tout le monde a réservé. Impossible d’espérer avoir un siège ce soir sans avoir anticipé sa venue plusieurs jours avant. Je viens quasiment quotidiennement au cinéma. Le dossier rouge connaît avec précision la cambrure de mon dos.  Que ce soit au Mazarin, au Renoir ou encore au Cézanne. Et je peux vous l’assurer, depuis mon retour dans la ville des eaux et de l’art, je n’ai pas vu une seule fois un tel monde le long des affiches illuminées. Je reçois un message. Ouf. Je respire à nouveau. Mon ami est déjà assis. Je prie pour qu’il ne se soit pas installé trop près, ni trop loin, un peu sur la droite, pas trop sur la gauche.

Je suis soudain emportée par la foule de cinéphiles à la recherche de grands espaces aréiques. Bientôt je pénètre dans ce lieu, toujours mystérieux et inconnu, qu’est la salle obscure. Mais aujourd’hui, elle est pleine. Parfaitement pleine, jusqu’au tout premier rang. En effet, en raison de la demande très forte, le cinéma a été autorisé par son directeur à faire une exception : un siège ne sépare pas chaque groupe. Sous le masque, j’inspire une bouffée d’oxygène. Quel plaisir que de se retrouver à nouveau près d’un individu dont je ne sais rien et dont je ne saurais probablement jamais rien. De pouvoir, d’ici peu, ressentir les émotions qu’une image lui procure. Une image qui ne nous procurera peut-être pas du tout les mêmes sensations. Quel bonheur que d’entendre toutes ces voix indistinctes, ces rires et le bruit du pop-corn qui craque sous la dent. « Ce que je préfère, c’est cette impatience généralisée mais que l’on souhaiterait voir s’étirer, tellement elle est agréable » me confie Hugo. Mais les lumières s’éteignent. Plus un son. Sauf un, celui émis par la musique de Hans Zimmer. Nous sommes plongés dans un autre univers, tous ensemble. Un monde que nous avons longuement attendu.

Les avant-premières, si précieuses

Proximité, échanges, temps suspendu … Selon mon point de vue, l’ensemble de ces éléments explique la force et la pérennité des avant-premières. Ils nous permettent de comprendre l’incapacité des spectateurs de cette soirée ensablée à patienter, encore davantage. La sortie ayant déjà été repoussée de décembre 2020 au 7 octobre 2021. Le simple plaisir de voir l’œuvre avant les autres ? Oui, peut-être un peu. Pour avoir la possibilité de dire demain ce que l’on en a pensé, si nous avons été convaincus ou non par cette nouvelle adaptation, alors que plus des trois-quarts de nos proches n’ont pas encore pu y assister. Mais surtout pour cette frénésie, cet enthousiasme, propres aux avant-premières. La satisfaction d’entendre cet orchestre d’étrangers applaudir à l’unisson à la fin de la projection. Ce qui est si rare dans la salle au grand écran et aux murs à la douceur de velours. Et comment se passer du charme des discussions post-séance où l’on débat de l’intensité et de l’accomplissement visuels de l’œuvre ou encore des problématiques sociales et écologiques qu’elle soulève devant les portes de l’espace de la fiction, quelques instants avant le retour à la réalité ? Importantes pour le spectateur ces projections du mardi soir donc. Mais également pour les cinémas, qui rencontrent toujours de nombreuses difficultés à sortir de la crise. Suffiront-elles à assurer l’avenir des salles ?

Elisa HEMERY