Montage ©Damien Frossard

Impossible de ne pas connaître Bernard Tapie l’homme d’affaires ou encore l’homme politique. Mais avez-vous déjà entendu parler de lui en tant qu’acteur, comédien ou chanteur ? Sa carrière dans l’univers artistique n’a certes pas connu le même retentissement. Pourtant, elle n’en reste pas moins cruciale pour appréhender la richesse de la personnalité de cet homme, inimitable et mémorable. 

 Un homme d’affaires, dans le rôle de l’homme d’affaires

Bernard Tapie au cinéma, c’est avant tout un film majeur dans sa carrière : Hommes, Femmes = mode d’emploi (1996) de Claude Lelouch. Une « comédie inhumaine », comme nous l’indique le réalisateur dès l’ouverture. Déambulant dans un Paris aux reflets bleutés, un policier et un homme d’affaires voient leur destin s’entremêler. L’acteur Fabrice Luchini (révélé par le réalisateur aux dialogues inoubliables, Éric Rohmer) donne la réplique à Bernard Tapie, qui semble ici incarner son propre rôle : celui de l’homme d’affaires charismatique, brillant et charmeur. Mais impassible, voire cruel. « C’est quoi pour vous, avoir le sens des affaires ? » lui demande Luchini. Cet homme, qui semble à première vue tout avoir réussi, paraît en réalité enfermé, étriqué. Il évolue quasiment dans tous les plans de la première moitié du film dans des lieux clos étouffants : restaurant et hôtel luxueux, bureau imposant … Puis soudain arrive la (factice) maladie. Et la transformation du personnage. Une myriade de questionnements nous est proposée sur la peur, l’urgence de vivre et les révélations provoquées par la maladie ; le cancer. Ce mal que Bernard Tapie a combattu avec tant d’ardeur durant les dernières années de son existence.

Le tout jouissant toujours d’une certaine touche de légèreté et d’humour, malgré la gravité des situations. Un Bernard Tapie éblouissant, bouleversant. Il transperce l’écran. Une véritable prouesse, comme si jouer était inné. A se demander si le film n’a pas été conçu exclusivement pour Bernard Tapie, diront les plus critiques. En réalité, les merveilleux acteurs qui l’entourent ne brillent que davantage à ses côtés. Un film décousu, diront d’autres. Mais ne se rapproche-t-il donc pas alors de la vie elle-même ? Et notamment de celle de Bernard Tapie, qui s’est essayé à tant d’arts. A tant de nouveaux possibles.

Tapie et Lelouch, Lelouch et Tapie

« C’est un homme que j’ai toujours aimé » confiait le réalisateur en avril dernier. Et qu’il continuera d’aimer, sans le moindre doute. Ce rôle, c’était déjà une preuve d’amour. La possibilité d’une nouvelle chance. Il a permis à l’ancien propriétaire de l’Olympique de Marseille de faire peau neuve, après bon nombre de scandales. Par la suite, il monte sur les planches avec un rôle dans Vol au-dessus d’un nid de coucou et il participe à une série télévisée, Commissaire Valence. Le public est au rendez-vous, intrigué. Encore une fois, sa personnalité et sa capacité à rebondir le sauvent de l’oubli. C’est un séducteur, dans la vie comme à l’écran. Dimanche 3 octobre, Claude Lelouch, son messie, s’est exprimé au micro de Franceinfo, avec douceur et admiration. « Il a appris le métier d’acteur en 24 heures, le métier de producteur en 5 minutes, c’était un homme très curieux qui s’intéressait à tout. Tout le passionnait et dès que je passais une heure avec lui je me sentais plus fort, plus grand ». Ce duo devait encore se retrouver, une dernière fois, pour une trilogie : L’incroyable Fertilité du chaos. Un titre tout à fait représentatif de la propre vie de Tapie. Polyvalence, soif de découvertes, talent … Un personnage aux multiples facettes qui n’en a pas fini d’émerveiller ou d’être détesté. De faire parler, finalement.

                                                                                                                                                                                                                                              Elisa Hemery