© Victor Giat
Le film réalisé par Albert Dupontel dépeint une société caricaturale pendant l’entre-deux-tours des élections présidentielles. Le système médiatique français en prend pour son grade depuis sa sortie en salles le mercredi 26 octobre, seulement 2 mois après le constat pessimiste du livre de Rachid Laïreche, ancien journaliste politique à Libération.
Les journalistes sont-ils trop complaisants avec la classe politique ? À en croire l’entreprise de sondage OpinionWay, près de 69% des Français ne font pas confiance aux “Médias”. Ce chiffre grimpe jusqu’à 81% si l’enquête porte sur les partis politiques. C’est dans cette réalité pas si éloignée de la nôtre que l’impertinente journaliste mademoiselle Pove – qui n’a pas le luxe de se voir attribuer un prénom – doit couvrir une campagne “soporifique”, où l’abstention est donnée vainqueur. Elle suit le candidat le mieux placé par les sondages : Pierre-Henry Mercier, interprété par Albert Dupontel, également réalisateur dudit film. Il y a chez lui quelque chose de déroutant. Au point d’alimenter une obsession chez la journaliste mise à l’écart de la rubrique politique. Elle se résout à investiguer malgré l’extraordinaire climat de connivence du reste de la presse.
“Tu écris pour qui ?”
Le long-métrage prend la forme d’une critique des journalistes politiques. Accusés de hocher la tête sans jamais écouter, de ne poser des questions qui n’intéressent qu’eux ou de faire preuve d’une complaisance malsaine, le constat est alarmant. Il résonne avec le livre “Il n’y a que moi que ça choque ? “, écrit par Rachid Laïreche et publié le 7 septembre dernier. L’ancien journaliste politique est désormais au pôle reportage de Libération. Celui qui est entré dans le quotidien national en tant que hôte d’accueil, a passé près de huit ans à suivre et à écrire sur la gauche de l’hémicycle. Il en ressort une critique acerbe et virulente du métier. Dans un entretien à La revue des médias, Rachid Laïreche résume le problème en une phrase : “Les journalistes ne racontent pas la politique, ils racontent les politiques“. Cette “bulle” favorise un entre-soi, une déconnexion avec sa première cible : le lectorat. “Tu écris des papiers qui font du mal à la politique en racontant des trucs qui n’intéressent personne […] En vrai, sérieusement, tu écris pour qui ?”, cingle un de ses proches.
Virage à 180 degrés
Le film n’est pas tendre avec la profession. Mais il tombe parfois dans la contradiction. Mademoiselle Pove, présentée par le scénario comme la seule suffisamment intègre pour faire preuve d’esprit critique, finit par s’engager, ni plus ni moins, dans la campagne de Pierre-Henry Mercier. Une belle pirouette déontologique. Et pour quelles raisons ? Parce que ce candidat, cette fois, c’est le bon. Il veut “changer le système de l’intérieur”. La fin justifie donc les moyens. Et tant pis si les moyens de Mademoiselle Pove tombent dans le même écueil que tout ce qu’elle – et le film – ont dénoncé jusque-là.
Victor Giat