© Dèlio Grach
Depuis le 16 septembre, et jusqu’au 14 janvier 2024, Roger Bissière est mis à l’honneur par le musée Granet d’Aix-en-Provence. La magnifique chapelle des Pénitents blancs – Granet XXe accueille « Bissière, la part de l’autre », une riche exposition qui retrace deux ans de la vie de l’artiste français.
L’œuvre de Bissière a su se faire une place parmi les toiles de maestros comme Klee, Picasso ou Dubuffet. Après avoir pu admirer ces différents chefs d’œuvres de la grande collection de Jean et Suzanne Planque, c’est au deuxième étage que sont soigneusement disposés les 47 tableaux de la collection.
Cette exposition retrace le « Journal en image » du peintre français contemporain, particulièrement ses deux dernières années de vie (1962-1964). Marqué par le décès de sa femme, surnommée Mousse, en octobre 1962, il se réfugie dans ses pinceaux pour illustrer son quotidien à sa manière. « Ces petites planches de bois m’ont paru plus à la mesure de ma détresse et j’ai commencé à créer ces images presque quotidiennes, qui endormaient ma peine et concrétisaient aussi, peut-être, le souvenir d’un bonheur révolu. Ainsi, de jour en jour, au rythme des saisons est apparu ce journal de ma vie qui en fin de compte est peut-être une revanche sur la mort » peut lire le visiteur au fil de l’exposition.
Peinture sur bois, sur toile, tapisserie… Quel que soit le support, les œuvres de l’Aquitain se démarquent par leur dimension réduite (20-30 centimètres pour la grande majorité) et leur dénomination singulière : la date de leur conception. Elles ont fait de lui le fer de lance de la peinture non figurative, mouvement phare des années 50.
Alain Madelaine-Perdrillat, un historien de l’art, explique ce procédé si atypique. Une analyse offerte aux visiteurs en fin de parcours. « Cette datation précise, qui n’apparaît pas dans ses œuvres antérieures, où seule figure, mais pas toujours, une signature, est le seul élément qui permette de donner à l’ensemble le titre de Journal. {…} Or, le Journal de Bissière {…} apparaît comme un journal de bord, mais intérieur, qui exprime la poursuite d’une vie menacée par une très grande tristesse, sinon un désespoir, dont l’auteur se défend avec les seuls moyens du bord, les seuls pour lui efficaces: ceux de l’art qu’il pratique depuis toujours. »
Les tableaux invitent le spectateur à s’effacer devant l’œuvre et à éprouver quelques émotions, venant même à s’interroger sur le cheminement de l’artiste pour arriver à ses fins. Qui mieux que Roger Bissière lui-même pour décrire son processus créatif : « J’absorbe ce qui m’entoure et je le restitue comme je peux ; la peinture à mon sens n’est pas un choix mais une fatalité : comme le pommier nous donnons des pommes mais nous ne saurons jamais ni pourquoi ni comment ».
Le travail du peintre a porté ses fruits puisque, depuis le 16 septembre, bon nombre de curieux affluent au musée Granet pour se laisser porter par ses créations. Ils ont jusqu’au 14 janvier prochain pour profiter de l’intimité de son art.
Dèlio Grach