Sorti en avant-première mardi 8 octobre, le biopic intitulé « Lee » retrace le parcours de la journaliste Lee Miller, incarnée par la talentueuse Kate Winslet. Un choix « intéressant » selon des spectateurs croisés à la sortie du film, et qui affirment que le jeu de l’actrice renvoie « l’image d’une femme forte, qui assume ses convictions ». Après avoir vu le long-métrage au cinéma Le Cézanne à Aix-en-Provence, Rose promet même que Lee Miller lui est devenue « familière », qu’elle est « un modèle ». Il faut dire que la réalisatrice américaine, Ellen Kuras, a articulé son projet sur 10 années de la vie du personnage principal. Le film « Lee » se concentre sur une partie moins connue de son travail : agir de l’autre côté de l’objectif, en tant que journaliste, photographe, reporter de guerre. C’est à ce moment du parcours de Lee Miller que sa vie a basculé : « J’aime mieux prendre une photo qu’en être une », justifie le personnage dans le film. Un moment fort.
Ce choix scénaristique est réfléchi. Si une partie du grand public connaît Lee Miller, il ne garde en tête que ses heures de gloire dans le mannequinat quand elle posait pour Vogue magazine. L’intention de la réalisatrice est claire : mettre enfin le travail de la photographe sous le feu des projecteurs. Cette biographie romancée est le fruit de sept années de recherches et d’entretiens, auprès du fils de Lee, Antony Penrose. L’équipe de réalisation a choisi d’organiser le film sous la forme d’une interview entre Lee Miller et un journaliste, provoquant des flash-back. Le spectateur remarque un contraste important entre la vie d’avant et d’après-guerre. Quand personne ne daignait voir que l’Europe était au bord du précipice.
Dans un contexte où les femmes contribuaient à l’effort de guerre à l’arrière, on découvre avec ce film que l’une d’entre elles souhaita prendre sa part autrement, en devenant correspondante de guerre. Cette femme, c’est Elisabeth Miller, surnommée Lee. Née en 1907 aux États-Unis, elle fut la muse successive de son père photographe puis du célèbre Man Ray, dès son arrivée à Paris en 1929. Elle s’est lancée pleinement dans la photographie en créant son propre studio l’année suivante, sans imaginer un instant la suite de sa carrière. La photographe s’est rapprochée du mouvement artistique surréaliste, alors en vogue dans les années 1920-1930. Elle se liera d’amitié avec des figures importantes comme Man Ray ou Pablo Picasso. Pour raconter l’histoire de cette femme et de cette époque, la production s’est tournée vers un casting en partie français notamment avec les rôles de Nusch et Paul Eluard, interprétés par Noémie Merlant et Vincent Colombe. Et les époux d’Ayen sont incarnés par Patrick Mille et Marion Cotillard. « Je suis favorable et contente qu’on restitue voire, qu’on privilégie, les acteurs français pour retracer l’Histoire de France », confie pour sa part Capucine, à la sortie du cinéma. Sur un plateau télévisé, pendant la promotion du film, Kate Winslet a d’ailleurs salué Marion Cotillard comme « un trésor national », dans ce film qui retrace les grandes étapes du conflit et celles de la vie d’une femme hors du commun.
Une femme de terrain
Pendant le film, le spectateur suit en effet le parcours de Lee Miller, qui a photographié les conséquences du Blitz à Londres, le siège de Saint-Malo, la Libération de Paris, et la fin du conflit en Allemagne, tout cela aux côtés de David Scherman, reporter pour le magazine Life. L’influence surréaliste se retrouvait dans son travail. Elle faisait surgir l’extraordinaire et l’incongru sur ses clichés. Autre choix intéressant de la réalisatrice : dévoiler d’authentiques photographies de Lee. « Le mot serait : bouleversant. Les photos font froid dans le dos », ose Capucine, qui ajoute : « J’ai réalisé que l’auteur elle-même a vu de près les horreurs de la guerre et des camps. Cela permet de se confronter à la réalité de l’histoire et de ne pas censurer les œuvres de Lee Miller ».
Le film met aussi en avant un autre « personnage ». Ce qui semble n’être qu’un accessoire de cinéma, prend une tout autre importance lorsque Kate Winslet en fait usage : son fidèle Rolleiflex. Véritable arme pour Lee, il lui a permis de transmettre les réalités du conflit aux populations restées à l’arrière. Vogue n’était alors plus un simple magazine de mode : elle s’est battue pour que son photoreportage « Believe it » paraisse dans American Vogue en juin 1945, révélant aux lecteurs les horreurs des camps de la mort.
Blanche Dubois-Faillie