Ce jeudi 29 janvier, le Musée Granet d’Aix-en-Provence organisait une « Rencontre Droit & Arts », en partenariat avec le Laboratoire Interdisciplinaire de Droit des Médias et des Mutations Sociales (LID2MS).
Pourquoi n’il y a t-il pas plus d’œuvres de Paul Cézanne au Musée Granet ? « Moi vivant, aucun Cézanne n’entrera au Musée Granet » déclarait Henry Pontier alors qu’il était directeur du Musée Granet. Par ailleurs, Les joueurs de cartes de Cézanne est actuellement l’œuvre la plus chère au monde, estimée à 250 millions d’euros. Le musée n’a pas les moyens de se procurer les œuvres du célèbre peintre aixois.
La valeur de l’art en tant qu’esthéticien démontre un paradigme. Les critères esthétiques qui nous permettaient de juger l’art contemporain sont obsolètes. L’intellectualisme persistant qui relève que l’art est en crise a tort, l’art se porte très bien, malgré les rumeurs, les peintres peignent, les performeurs performent etcetera, il reste aujourd’hui que l’art est bel et bien pluriel. Il demeure néanmoins des questions dans tous les domaines. Est-ce que l’économie de l’art peut se calquer sur l’économie des biens et services ? Que représente l’art contemporain ? Depuis les années 60’ l’art contemporain se définit comme la pratique de la rupture. Une situation qui amène à toujours redéfinir les acteurs et les lieux interchangeables.
Les artistes contemporains sont qualifiés d’appropriationnistes dans les années 80/90, ils copient beaucoup d’œuvres et remettent ainsi en cause la notion d’originalité. L’emprunt et la citation ainsi que le mélange des genres prévales. La citation d’André Malraux « Tout artiste commence par le pastiche à travers quoi le génie se glisse » résume ce phénomène.
Dans son Principe de la philosophie du droit, Hegel estime que l’ultime garde-fou pour ne pas commettre un plagiat est l’honneur. Michel Foucault lui, précise que c’est la censure qui est à l’initiative de l’œuvre. La question n’est donc pas est-ce de l’art mais pourquoi est-ce de l’art ?
L’œuvre d’art peut être considérée comme un bien, si elle a de la valeur pécuniaire, évaluable en argent ou qui a un potentiel économique. Mais ce n’est pas un bien comme les autres. Sa valeur économique n’est pas comme tous les autres. C’est l’attachement d’une personnalité, l’empreinte d’une personnalité qui fait le bien. Trois critères permettent de juger de sa valeur. L’originalité qui est définit par le Code de propriété intellectuelle, puis, l’œuvre doit faire l’objet d’une exécution personnelle, des mains même de l’auteur et enfin l’authenticité de l’œuvre d’art. L’existence d’une signature authentifie aussi l’œuvre.
Une affaire s’étant déroulée au Danemark illustre cette qualification juridique. L’œuvre de Piero Manzoni Merde d’artiste, avait été détérioré par un collectionneur à qui l’objet avait été prêté. En fonction de la perte de poids l’artiste a été indemnisé car l’objet remplissait les 3 critères.
Les hommes font la société, façonnent les valeurs, les goûts et la valeur économique des œuvres d’art. La notion de subjectivité est donc introduite. « Maintenant ce n’est plus un tableau qu’on accroche au mur, c’est une valeur ! » disait Renoir. La notion de subjectivité est au cœur des raisonnements économiques.. La subjectivité des goûts individuels pose problème pour prendre des décisions et faire des choix. La valeur s’estime aussi en fonction du prix et donc de la rareté, en fonction de l’offre et de la demande.
L’œuvre de Sherrie Levine, photographe connue pour ses collages et ses reproductions d’œuvres préexistantes symbolisent cet art appropriationniste. Ses photographies sont des reproductions à l’identique de photographies prises par Walker Evans et immortalisées dans un livre. Les photos du premier photographe ne sont pas protégées par l’auteur mais celles de Sherrie LEVINE si. Pour les gens des musées, ce qui fonde la valeur artistique d’une œuvre d’art c’est la singularité qu’elle présente au moment où elle est présentée.
Les intervenants présents, Philippe MOURON, maître de conférences, droit privé, LID2MS, Dominique AUGEY professeur, sciences économiques, GREQAM/LID2MS, Patricia SIGNORILE, maître de conférences HDR, sciences de l’art, LID2MS, Bruno ELY, conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée Granet, Hervé ISAR, vice-président d’Aix-Marseille Université, professeur, droit public, directeur du LID2MS, Sébastien CACIOPPO, doctorant contractuel, LID2MS, Aix-en-Provence, avec en outre la participation de Nicolas LIUCCI-GOUTNIKOV, Conservateur Musée d’Art Moderne, Centre Pompidou, Paris.
Léa Sacchero