Quelques nanomètres à peine : c’est la taille d’un semi-conducteur. Minuscule, et pourtant, le chiffre d’affaires du marché de ces pièces électroniques est impressionnant : environ 450 milliards de dollars en 2020, selon Gartner, une société américaine de conseil. Soit 7,3 % d’augmentation par rapport à 2019. Ce composant est aujourd’hui au cœur d’enjeux économiques mondiaux.

Semi-conducteur, vous avez-dit ?

Méconnu, il s’agit d’un matériau essentiel dans la fabrication de la plupart des objets qui nous entourent au quotidien. Électroménager, informatique, automobile, transport maritime, aviation, tous ces secteurs et bien d’autres en exploitent. Plus particulièrement : le silicium, qui est le semi-conducteur le plus utilisé.

La crise du coronavirus affecte ce secteur de manière inattendue. Les restrictions sanitaires, mises en place partout autour du globe, ont provoqué une augmentation drastique de la demande en matériel informatique : ordinateurs, smartphones, mais aussi serveurs, infrastructures réseau. Dans le cas des PC, une augmentation des ventes de 17 % a été enregistrée, soit 60 millions de dispositifs supplémentaires par rapport à 2019.

Pourquoi y a-t-il une crise ?

TSMC, abréviation de Taiwan Semiconductor Manufacturing Company, est l’un des géants du marché. C’est une fonderie : un sous-traitant qui fabrique des composants pour d’autres sociétés, comme Apple, Nvidia ou encore Qualcomm. La plupart des entreprises du secteur, comme Intel, fonctionnent en circuit fermé, contrôlant de A à Z la chaîne de production. Mais il y a aussi les sociétés dites « fabless », qui n’ont aucune usine de production, et qui ont besoin de fonderies pour pouvoir fonctionner. Petit hic : l’augmentation soudaine de la demande n’a pas pu être totalement soutenue par TSMC, qui possède à elle seule environ 50 % des parts de marché des fonderies.

Résultat : pénurie dans de nombreux secteurs, notamment celui de l’automobile, déjà fragilisé par la crise sanitaire. Les ventes se sont effondrées, d’environ 25 %. Une situation historique. En France, de nombreuses usines fonctionnent au ralenti. Voire, sont totalement à l’arrêt, comme à la Janais, situé au sud de Rennes. La CFDT, syndicat majoritaire sur le site, déplore « l’incertitude » qui plane, craignant que la situation « perdure tout au long de l’année ». Cela pourrait en effet s’avérer catastrophique pour l’avenir de ces lieux de production.

Quelles conséquences pour le grand public ?

Du côté des consommateurs, cette pénurie a aussi des effets. Particulièrement dans le milieu de l’informatique : Apple a été forcé fin 2020 de réorienter une partie des composants de l’iPad vers l’iPhone 12, pour maintenir sa production. Si la crise se poursuit, il pourrait aussi y avoir une hausse importante des prix. Ce n’est pas le seul produit touché: les principaux constructeurs de cartes graphiques, Nvidia et AMD, ont énormément de mal à faire face à la carence de semi-conducteurs. Rupture de stocks, attentes interminables pour les réapprovisionnements, mais aussi spéculation de la part des chanceux qui arrivent à s’en procurer, tel est le quotidien de ce marché depuis plusieurs mois. C’est aussi le cas pour les consoles de dernière génération, Playstation 5 comme Xbox Series X : difficile d’en obtenir une. Des conséquences relativement limitées pour le moment, mais qui pourraient s’amplifier dans les mois à venir, notamment avec le secteur automobile qui risque de pâtir longtemps des effets cumulés de la pandémie et de la pénurie.

Les Etats-Unis en quête d’une solution

Face à la crise, le président Joe Biden a annoncé fin février vouloir s’attaquer au problème, qualifiant de biens « essentiels » les semi-conducteurs. Mardi 23 mars, Intel annonçait la création de deux usines en Arizona, pour un investissement d’environ 20 milliards de dollars, ainsi qu’une nouvelle division, « Intel Foundry Services ». L’objectif affiché est double : répondre à la pénurie de composants, mais aussi pouvoir fournir les Etats-Unis et l’Europe, sans passer par d’autres pays. Ces deux nouveaux sites de production serviront à Intel mais pourront aussi profiter à des clients extérieurs, type de contrats que l’entreprise a abandonné pendant longtemps. La crise a en effet révélé la dépendance des pays occidentaux à l’économie taïwanaise et chinoise. Et si l’Union européenne, de son côté, cherche des solutions, les leaders régionaux du secteur sont d’ores et déjà à la traîne.

S.A.-P.