©droits réservés – mars 2022

C’est une douloureuse date qui réunit l’ensemble des occidentaux aujourd’hui. Le clairon entame sa “sonnerie aux morts” dans toutes les têtes. A 4 heures du matin, le 24 février 2022, Vladimir Poutine annonçait, dans une allocution télévisée imprévue, une “opération militaire en Ukraine”. Sous le choc, le monde voyait  la guerre faire son retour en Europe. Un an plus tard, la guerre en Ukraine est une réalité ancrée dans le quotidien.

Iryna Ustyanchuk et ses deux petites filles âgées de 1 et 7 ans seulement ont quitté leur pays pour se réfugier en France. Comme 8 millions d’Ukrainiens, elles ont fui la guerre. C’est le plus grand mouvement de réfugiés sur le continent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un an plus tard, l’exode est devenu un souvenir. Souvenir périssable ? Certainement pas pour ces réfugiés, essentiellement des femmes et des enfants, qui ont dû, en quelques heures, fuir l’envahisseur. Aujourd’hui, leur vie continue, loin de leur pays, loin des leurs.  Ce qu’on n’avait pas vu en Europe depuis des décennies s’est reproduit. “C’était juste pas croyable. On était sous le choc. Nous ne savions pas jusqu’où ils allaient aller” se remémore Iryna. Fuir pour vivre. Abandonner maris, maisons et racines. “Le deuxième jour de la guerre, le 25 février, nous sommes parties avec mes deux petites filles et ma mère, en voiture. Mon mari s’est engagé de façon volontaire immédiatement auprès de l’armée et est resté en Ukraine”. Les quatre habitantes de Rivne, une ville de l’Ouest, rejoignent la Pologne comme des millions d’autres ukrainiens. La file d’attente n’en finit pas, les heures passent. “Nous avons attendu 35 heures à la frontière polonaise, dans notre voiture”. Dans les pleurs, l’incompréhension et la peur qui tiraille le ventre, les portes de l’Union Européenne s’ouvrent enfin. Selon le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, l’effort juridique pour accueillir les Ukrainiens est sans précédent. La Pologne, l’Allemagne et la République Tchèque sont les pays ayant le plus accueilli de réfugiés. “Dès notre arrivée, nous nous sommes rendus à la police et à la préfecture pour nos papiers. C’était assez facile à faire” confie la mère de famille. 

Continuer de vivre 

Très vite, l’Union Européenne a accordé une protection temporaire aux réfugiés ukrainiens couvrant un principe d’hébergement d’urgence, d’accès au marché du travail, aux services de santé et à l’éducation. La Banque de développement du Conseil de l’Europe a estimé que le coût de soutien aux réfugiés d’Ukraine se chiffre entre 30 et 43 milliards d’euros pour 2022. 

Loin de tout ce qu’ils connaissent, ces réfugiés doivent recommencer une vie dans leur pays d’accueil. Après deux semaines en Pologne, Iryna et ses deux filles sont arrivées à Aix-en-Provence début mars tandis que la grand-mère de la famille a rejoint l’Italie. “Je suis venue à Aix-en-Provence car une très bonne copine y vit depuis vingt ans. Elle nous a aidé à trouver un logement”. Grâce aux bénévoles d’associations humanitaires telle que la Croix Rouge et aux aides financières étatiques pour l’immigration et l’intégration, ils tentent de retrouver un semblant de quotidien. “Je ne travaille pas pour l’instant mais ma fille aînée va à l’école et nous avons réussi à avoir une place à la crèche pour la plus petite” confie Iryna. Touchée, elle ajoute : “Je tiens à dire un grand merci à la France. Merci pour cet accueil, merci à toutes les associations et bénévoles qui sont toujours prêts à donner de l’aide”. 

Ce qui leur donne également de la force, c’est de garder des liens, rester en contact avec les autres réfugiés ukrainiens dispersés partout sur le sol européen ou rencontrés aux cours de français dispensés par les associations. L’Ukraine continue de vivre, à des milliers de kilomètres, grâce à la fraternité de ses citoyens dispersés. 

Mais la douleur de la distance persiste : “On se téléphone, on s’écrit sur Viber, mais c’est compliqué”. Les familles sont divisées, les enfants arrachés à leur père resté au combat. Après un an loin de chez eux, les ukrainiens en fuite rêvent de rentrer chez eux. “Pendant longtemps, j’ai ressenti de la colère, de la haine même. Aujourd’hui,  je veux juste que ça se termine. J’ai juste envie qu’ils dégagent, tous.

L’espoir de la fin de la guerre 

365 jours sous les bombardements et dans les tranchées et depuis l’automne 2022, des combats de corps à corps de plus en plus nombreux. Impossible d’avoir les chiffres précis des pertes militaires et civiles. L’Ukraine, comme la Russie, ne délivre aucun chiffre officiel. Dans une estimation du 22 janvier 2023, le chef d’état-major de Norvège déplorait plus de 100 000 morts et blessés au sein des troupes ukrainiennes. Ces pertes, bien que lourdes, seraient cependant deux fois moins élevées que les pertes russes. Les forces ukrainiennes gagnent du terrain et luttent pour chacune de leur ville depuis douze mois. Pourtant, il y a un an, personne n’aurait parié sur la résistance de l’armée ukrainienne. “Dans les premiers temps nous étions seuls. Mais le monde entier a vu que les hommes ukrainiens s’étaient mobilisés d’eux-mêmes. On a montré qu’on voulait défendre notre pays coûte que coûte. Zelensky est pour nous un héros. Beaucoup, dont moi, le considérions comme un comédien et non comme un politicien. Cette guerre a changé son image; il est à tout jamais un héros pour l’Ukraine” affirme Iryna. “Ensuite, on a eu beaucoup d’aide et de donation d’armes et on ne remerciera jamais assez pour ça”. Mais la mère de famille modère immédiatement: “le seul problème, c’est que ces armes arrivent doucement, trop doucement. Si c’était plus rapide, on aurait déjà pu gagner cette guerre” estime-t-elle. 

La conflit russo-ukrainien ne semble pas près de se terminer, alors que Vladimir Poutine a encore réaffirmé ses intentions belliqueuses mardi au cours d’un discours devant son peuple. La haine entre les deux pays grandit et ce, même entre les citoyens. “Quand j’entends parler russe dans la rue, je ne sais pas si ce sont des Russes ou des Ukrainiens de l’Est. Mais, dans le doute, je ne tourne même pas la tête. Je n’ai pas envie de voir ces gens”. Plus que détruire des villes et des vies, la guerre en Ukraine détruit les cœurs de ceux qui ont dû tout laisser, du jour au lendemain.  

Colombe Laferté