Photo © Magistère DJC

 

Le 16 octobre, la gauche a marché dans les rues de Paris contre la vie chère et l’inaction climatique. La marche devait être le symbole d’une gauche unie face à la crise sociale actuelle. Si pour Jean-Luc Mélenchon, cet événement est présenté comme une victoire, qu’en-est-il vraiment ? Quelques jours plus tard, entre désordres et absence de certaines figures de la gauche, décryptage de cette manifestation.

 

L’acte de naissance de la Nupes ? 

Lors de la marche organisée à Paris contre « la vie chère et l’inaction climatique », la gauche a eu le droit à sa photo de famille. Les principaux leaders de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) étaient présents dans un cortège de 29 500 participants (140 000 participants). A l’image de Clémentine Autain, les Insoumis étaient de la partie, tout comme les socialistes représentés par Olivier Faure ou les écolos avec Eric Piolle et Sandrine Rousseau. Parmi les absents notables, Yannick Jadot, Fabien Roussel et les représentants officiels de la CGT n’ont pas répondu à l’appel de Jean-Luc Mélenchon, le chef d’orchestre de la marche.

Tous ont défilé dans les rues de Paris dans une ambiance festive. Les nombreuses accolades entre le leader de la LFI et celui du PS ont symbolisé cette nouvelle union de la gauche. Il faut dire que ce grand rassemblement a été facilité par le contexte actuel. Entre l’inflation, les revendications salariales des employés de Total et la menace du 49.3 par l’exécutif, la Nupes avait tout intérêt à se montrer soudée. 

Jean-Luc Mélenchon a profité de cette marche pour mettre en avant une gauche unie et conquérante. Pour lui, le dimanche 16 octobre est le début d’un « cycle jamais vu dans notre pays ». « L’union populaire peut devenir un Front populaire, et nous le souhaitons tous » s’est même enthousiasmé le fondateur la LFI. Mais avant de voir si la gauche parviendra à surfer sur cette dynamique, cette marche est à minima une belle éclaircie pour la nouvelle union populaire écologique et sociale. 

                                    Raphael Hazan

 

La « marche contre la vie chère », un échec ? 

C’était l’évènement le plus attendu de cette rentrée pour la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES). Désirée depuis juillet par Jean-Luc Mélenchon, la « Marche contre la vie chère » se voulait fédératrice. Mais selon les chiffres l’objectif est loin d’être rempli. Tout d’abord au niveau de la mobilisation des populations, avec 140 000 personnes présentes selon les organisateurs. Mais seulement 30 000 selon la police. Il en va de même pour la mobilisation politique. Le parti Europe Ecologie Les Verts (EELV) et le Parti socialiste se sont fait discrets. La CGT, le député François Ruffin (indépendant) ou encore le président du Parti Communiste Fabien Roussel, manquent eux aussi à l’appel.

Si la manifestation n’était pas un raté, c’était loin d’être le triomphe voulu par Jean-Luc Mélenchon. Le fondateur de La France Insoumise souhaitait faire de ce moment « celui qui montrera le rapport de force central de la société : Macron contre le peuple / le peuple contre Macron ». Et pour cause, dans un contexte où l’inflation réduit le pouvoir d’achat de millions de Français, il y avait de quoi rassembler. Avec des grèves qui touchent actuellement les raffineries, la SNCF ou encore l’Education nationale.

Alors pourquoi des chiffres aussi bas ?

Tout d’abord il faut se tourner vers les manifestants présents. Pour Marianne, « la moyenne d’âge des manifestants les rapprochait davantage de la retraite que du baccalauréat ». Autrement dit, à l’instar des dernières élections ce sont les jeunes qui n’ont pas répondu présent à l’appel. Peut-être que la récente affaire d’Adrien Quatennens aurait refroidi de nombreux militants. Ou tout simplement l’omniprésence de la France Insoumise au sein de cet évènement qui ont déplu aux autres parties de la gauche. Car pour beaucoup, cette marche s’apparentait plus un meeting pro-Melanchon, qu’à une marche contre la vie chère.  

                            Hippolyte Arnaud

 

Après la marche, la grève générale ? 

« Aujourd’hui est le jour un, c’est la marche populaire, le jour deux va être le 49.3 et le jour 3 ce sera la grève générale, le 18 ». Tels sont les mots de Jean-Luc Mélenchon durant la « marche contre la vie chère et l’inaction écologique ». Organisée ce dimanche 16 octobre, la manifestation reliant la place de la Nation à celle de la Bastille s’inscrit dans un contexte de fortes tensions sociales qui n’est sûrement pas près de s’essouffler. jeudi dernier, plusieurs syndicats (CGT, FO,Solidaires), rejoints…. 

D’ailleurs, jeudi dernier, plusieurs syndicats (CGT, FO, FSU et Solidaires), rejoints par des mouvements de jeunesse, ont appelé à un mouvement de grève interprofessionnelle ce mardi 18 octobre, soit deux jours après la marche dans Paris. Il s’agit d’une journée d’action pour « l’augmentation des salaires et la défense du droit de grève » qui concerne « les raffineries, l’agroalimentaire, les crèches, les transports publics, l’énergie et le nucléaire, l’éducation, la santé, le commerce » a confié Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT. 

Le chef de file de la France Insoumise ajoute de l’huile sur le feu alors que les grèves continuent dans les raffineries de TotalEnergies et que la mobilisation nationale touche un grand nombre de secteurs. SNCF, RATP, Éducation Nationale s’ajoutent à la liste. Selon Jean-Luc Mélenchon, « nous allons avoir une semaine exceptionnelle qui commence aujourd’hui ». Il a d’ailleurs appelé à amplifier le mouvement de contestation « Le 18 octobre, il y a appel à la grève générale ! N’y manquez pas ! Ne laissez pas votre devoir et votre place au combat à d’autres. » L’ancien candidat à la présidence tend la main aux syndicats, pourtant absents ce dimanche à Paris : « la puissance de notre marche est un appui à la mobilisation des salariés, notamment celle qui va avoir lieu le 18. »    

                                        Emma Frary

 

Une manifestation non sans débordement 

« La marche contre la vie chère et l’inaction climatique » n’a pas été sans dégât ce dimanche à Paris. Alors que celle-ci avait débuté dans le plus grand calme, plusieurs vitrines ont été brisées en milieu d’après-midi selon un journaliste de l’AFP. Quelques échauffourées ont éclaté, faisant au moins deux blessés, dont un qui a reçu un projectile sur la tête. La police a procédé à plusieurs charges et a utilisé des gaz lacrymogènes après des jets de projectiles en sa direction. Lors de la manifestation, on a pu remarquer la présence notamment d’individus vêtus de noir et masqués pour certains. 

Parmi les principales cibles des manifestants, une agence bancaire a été saccagée et vandalisée. Une source policière révèle toutefois que des tentatives de dégradations d’enseignes commerciales ou d’établissements bancaires ont été stoppées par les forces de l’ordre. En-dehors de ces incidents, plusieurs slogans anticapitalistes ont été tagués sur des murs, des arrêts de bus ou encore à l’entrée des banques tout au long du parcours qui reliait place de la Nation et Bastille.   

Invité de France 2, Laurent Nunez, préfet de police de Paris, a précisé que ces interpellations avaient eu lieu « en amont » de la manifestation. Malgré ces écarts, Jean-Luc Mélenchon s’est félicité de l’organisation de cet événement. « C’est la grande conjonction, c’est nous qui la commençons avec cette marche qui est un immense succès », s’est réjoui le leader du parti d’opposition La France Insoumise depuis un camion au milieu de la foule. La manifestation aurait rassemblé 140.000 personnes selon les organisateurs, 30.000 selon la police. 

                                    Lucas Emanuel

 

Yannick Jadot grand absent de la marche contre la vie chère 

La Nupes avait appelé au rassemblement de la gauche. Le 16 octobre, une grande partie a répondu présent. Olivier Faure, à la tête du PS, Ian Brossard du PCF ou Philippe Poutou du Nouveau parti anticapitaliste s’étaient déplacés. Yannick Jadot, lui, faisait défaut. L’eurodéputé écologiste avait annoncé, depuis quelques jours, sa volonté de ne pas se rendre à cette marche.  

Dans un entretien à Libération, le membre du parti EELV s’était montré réticent à cette invitation. Il avait déploré, entre autre, l’absence des syndicats : « Cette mobilisation se fait à l’appel de Jean-Luc Mélenchon et de la Nupes, mais sans les syndicats. Je le regrette ». Ils ont été invités à participer, mais ont, pour la plupart, refusé de répondre à l’appel. 

Mais au-delà se trouve un problème plus important. Après l’échec de l’union des gauches à la présidentielle et les différents scandales, il semblait nécessaire que la gauche forme un front uni. Or, lors de cette manifestation, cela n’a pas semblé être le cas. Tout aurait pu être différent si Yannick Jadot n’était pas venu à la marche pour des raisons personnelles. En l’espèce, il était en désaccord avec la méthode employée par Jean-Luc Mélenchon. Pour lui, il aurait fallu « construire le mouvement social avec les syndicats. D’autant plus en ce moment avec la nécessité absolue de renforcer le dialogue social et la place des salariés dans les entreprises et les services publics », indique-t-il à Libération

Son absence a été d’autant plus remarquée que d’autres membres de son parti se trouvaient à la marche. Sandrine Rousseau et Éric Piolle ont notamment été aperçus en tête du cortège. 

Fabien Roussel, qui s’était rendu dans sa circonscription du Nord, n’a pas participé à la marche. 

                                            Noémie Letellier

 

Jean-Luc Mélenchon : la pièce maîtresse de « la marche contre la vie chère et l’inaction climatique » ?  

Ce dimanche 16 octobre, « la marche contre la vie chère et l’inaction climatique » s’est présentée comme une occasion de rebondir pour la NUPES (Nouvelle Union populaire écologique et sociale). Cette dernière semble dans une position délicate ces dernières semaines. Un groupement politique fragilisé, notamment en raison de l’affaire Adrien Quatennens. Une histoire dans laquelle Jean-Luc Mélenchon n’a pas hésité à soutenir son protégé, avec des opinions qui ont vivement divisé le parti. Cette manifestation lui a donc permis d’orienter les regards vers d’autres problématiques majeures, tels que le pouvoir d’achat et le réchauffement climatique.  

Des milliers de personnes ont rejoint le mouvement dans les rues de Paris. L’objectif de la mobilisation était de s’opposer à la politique d’Emmanuel Macron. En tête de cortège, le leader de La France Insoumise (LFI), accompagné de la prix Nobel de littérature, Annie Ernaux. « Nous sommes en train de dessiner la construction d’un nouveau Front populaire qui exercera le pouvoir dans son pays le moment venu », déclare Jean-Luc Mélenchon. Le chef de file de LFI estime même que le président de la République est « en bout de course ».  

Le patron des Insoumis avait placé beaucoup d’espoirs dans ce rassemblement, « ce sera une démonstration de force ». Il avait même appelé à « faire mieux » que lors des journées révolutionnaires d’octobre 1789, dans un tweet. Ce qui avait provoqué un malaise chez LFI et ses partenaires de gauche. Mais dimanche, Sandrine Rousseau a calmé le jeu, « On ne coupe pas de têtes, on marche, on râle, on crie, on danse, on est joyeux aussi, par contre on ne coupe pas de têtes », précise-t-elle. La marche avait été présentée comme un avant-goût à l’aube de la grève interprofessionnelle, qui s’est déroulée ce mardi 18 octobre. Jean-Luc Mélenchon, lui, appelle à une « grève générale » ce même jour. 

                        Patrick Latrémolière