Ce dimanche 30 octobre 2022, je suis devenu marathonien. Après trois mois de préparation intensive, l’épreuve s’est déroulée entre Nice et Cannes dans un cadre merveilleux et ensoleillé. Outre les douleurs physiques et les difficultés mentales, cette course de 42,195 km fut surtout celle de la consécration et de la fierté. Ce fut aussi un moment de partage intense avec Laura, ma compagne depuis près de 4 ans, pour qui ce marathon est aussi le premier. Un soutien essentiel sans lequel je n’aurai pas terminé cette course. 

6 heures du matin. L’alarme du réveil interrompt notre sommeil déjà perturbé par l’ampleur de l’événement. Très vite, nous descendons dans la salle de réception où le petit déjeuner « spécial sportif » a été installé par les réceptionnistes de l’hôtel une heure auparavant. Un yaourt aux flocons d’avoine, quelques fruits et un allongé suffisent à combler nos appétits. Nous remontons ensuite dans la chambre pour enfiler nos tenues. Au-dessus du tee shirt technique orné du dossard, nous attachons nos sacs munis de produits spécialement sélectionnés pour tenir la distance. Compotes, pâtes de fruits, eau sucrée ou encore gels à prendre tous les 5 kilomètres, tout est calculé pour combler de manière optimale la perte d’énergie à venir. Équipés et déterminés, nous voilà partis pour la Promenade des Anglais, où le grand départ est donné dans plusieurs dizaines de minutes. Éclairés par le lever du soleil, les 10.500 coureurs s’avancent doucement vers les sas. Dans ces couloirs barricadés, l’appréhension laisse place à l’excitation. Chacun reste en mouvement pour garder ses muscles échauffés. 

8 heures 05, la course commence. Au son des encouragements, nous longeons la Promenade des Anglais pendant les 5 premiers kilomètres. Malgré l’engouement et le rythme parfois effréné de nos voisins, nous essayons de garder la tête froide. Adopter une allure trop rapide dès le départ étant l’erreur classique à ne pas faire pendant un marathon, au risque de ne pas le terminer. 5 kilomètres plus tard, nous parvenons à conserver une allure raisonnable. Le début de course se déroule sans encombre.

De 20 à 40 km, des difficultés crescendo

2 heures et 6 minutes après le départ de la course, nous franchissons le cap symbolique du semi-marathon. Si jusqu’alors, les difficultés ne se sont pas encore faites ressentir, la chaleur et le soleil commencent à bousculer l’organisme. Déstabilisé par ces éléments, je parviens de plus en plus difficilement à avaler les portions de gel que nous avions préparées la veille. À défaut, je profite de chaque ravitaillement pour piocher dans les quelques fruits et carrés de chocolats mis à disposition. À l’aube du 30ème kilomètre, nous arrivons face à la plus grosse montée de l’épreuve : le passage dans la ville d’Antibes. Face à ces 36 mètres de dénivelé, nous préférons marcher pour récupérer et profiter du cadre. Sur les hauteurs de la ville fortifiée, nous apercevons la maison de Picasso qui domine la Méditerranée. 

95 % du parcours donnait sur la mer ©Magistère DJC

Après ces quelques mètres de répit, nous repartons. Malgré le cadre idyllique, les difficultés reviennent progressivement. Elles restent malgré tout maîtrisables. L’eau distribuée dans les ravitaillements permet à la fois de s’hydrater et de s’arroser le visage pour faire face à la chaleur. Mais alors que les jambes commencent elles aussi à s’alourdir, nous arrivons au ravitaillement du 32ème kilomètre avec la triste surprise de voir l’ensemble des bouteilles d’eau vides étalées sur le sol. À cette étape cruciale, la frustration des coureurs se fait ressentir. Entre les soupirs d’agacement, nous essayons de rester concentrés pour ne pas contrarier le mental. Nous nous fixons comme objectif le prochain ravitaillement cinq kilomètres plus loin. Alors que nous courons vers cette étape, mon corps me crie de s’arrêter. Je ne veux pas lâcher. Mais arrivé au 36ème kilomètre, je m’écroule sur le bas-côté. Quelques minutes plus tard, grace des encouragements de Laura, je parviens à me relever. Cette pause forcée m’a fait du bien, nous repartons. Plus doucement, mais nous repartons. 

À la suite de cet épisode, les douleurs aux jambes s’intensifient. Pendant deux kilomètres qui nous semblent interminables, nous suivons une longue route banale où la vue sur mer a laissé place à une voie ferrée. Sur le côté, de nombreux coureurs ont abandonné. Certains sont pris en charge par des pompiers. “Cette année, avec la chaleur et le parcours très pentu, les participants tombent comme des mouches”, nous indique un couple de passants venu assister à l’événement.

Du 40 au 42 ème kilomètre, la consécration

Lorsque nous franchissons le panneau du quarantième kilomètre, l’euphorie de l’arrivée nous gagne progressivement. Alors que nous avançons à une allure réduite, nous commençons inconsciemment à accélérer. Nos jambes avancent toutes seules, notre cerveau ne se concentre que sur une seule chose : l’arrivée. Abrités par les arbres longeant la mer à l’entrée de Cannes, nous savourons ces deux derniers kilomètres. Au détour du tout dernier virage, nous apercevons la dernière ligne droite. Sur un tapis rouge de plusieurs dizaines de mètres, nous épuisons nos dernières ressources. Encouragés par la musique et les applaudissements du public, nous franchissons main dans la main et le sourire aux lèvres la ligne d’arrivée tant attendue. À ce moment-là, nous sommes pris d’une émotion que je n’avais jamais ressentie. Un doux mélange de satisfaction, de fierté, d’épuisement mais aussi d’admiration pour Laura qui, par son dynamisme, son positivisme et sa motivation nous a permis d’achever cette épreuve.

Arthur Jégou