Les représentants des Etats membres de l’UE ont décidé mercredi 8 octobre de rendre public le texte négocié entre la Commission européenne et les Etats Unis.
C’est lors d’une réunion à Bruxelles que les représentants des Etats membres de l’Union européenne ont décidé de « déclassifier » le mandat de négociation de ce traité qui vise à créer un vaste marché euro-américain. Ce mandat avait cependant fuité dans la presse à l’été 2013. L’ancienne secrétaire d’Etat au commerce extérieur, Fleur Pellerin, avait demandé en mai, au commissaire européen chargé du dossier, Karel DeGucht, de le rendre public. Cette décision est survenue quelques jours avant une journée de mobilisation européenne contre ce projet, samedi 11 octobre.
Appelé originellement TAFTA pour “Transatlantic Free Trade Area”, il a été rebaptisé TTIP (“Transatlantic Trade and Investment Partnership”). L’idée d’un tel accord n’est pas nouvelle, elle remonte aux années 1990. Négocié officiellement depuis l’été 2013 par la commission européenne, le traité transatlantique a déjà fait l’objet de six rounds de discussion. Le 7e a débuté lundi 29 septembre à Washington. Les négociations sont censées s’étendre jusqu’en 2015, et, avant d’être voté par le Parlement européen, le traité sera soumis à la validation des 28 Etats membres de l’UE.
Quel est le but d’un tel traité ?
Un tel traité permettrait la création d’un marché commun de près de 820 millions de consommateurs qui représenterait alors la moitié du PIB mondial et le tiers des échanges commerciaux. Pour Bruxelles, l’économie européenne pourrait bénéficier d’environ un demi-point de croissance en plus par an. La Commission prévoit un bénéfice similaire outre-Atlantique. D’autre part, l’Union européenne est le principal partenaire commercial des Etats Unis et vice versa. 11% des produits importés dans l’Union européenne viennent des Etats Unis. Le 1er marché à l’exportation des européens ? Les Etats Unis. Ainsi, chacun y trouverait son compte.
C’est l’harmonisation des règles juridiques, financières, environnementales, techniques, etc…, cœur de la négociation, qui doit permettre l’élaboration d’un marché commun. L’accord vise également à supprimer les barrières douanières restantes, pourtant très faibles depuis les années 90. En résumé, l’objectif est la suppression de toutes les barrières qui freinent les échanges commerciaux entre le Vieux Continent et les Etats Unis, quelles soient tarifaires ou non. Enfin, une disposition du traité prévoit l’instauration d’un dispositif de règlement des différends pour les entreprises, accepté des deux côtés de l’Atlantique. Réclamé par les Américains, il s’agirait de tribunaux d’arbitrage qui permettraient aux multinationales de poursuivre un Etat qui menacerait leurs investissements.
Que revendiquent les détracteurs du TTIP ?
Le premier cheval de bataille des « anti TAFTA » est le manque de transparence qui entoure les négociations. Discuté dans une opacité douteuse, de nombreux citoyens européens ignorent sans doute de quoi il s’agit. Cependant, les deux parties avancent l’argument stratégique des leurs discussions. Washington refuse de divulguer ses positions, Bruxelles ne veut pas se mettre en position de faiblesse en révélant les siennes.
Fervent opposant au traité transatlantique, Jean Luc Mélenchon avançait fin 2013 : « Les Nord-américains lavent leur poulet avec du chlore : vous mangerez du poulet au chlore ». C’est aujourd’hui un des arguments des opposants à un accord qui « visera à éliminer les obstacles inutiles au commerce et à l’investissement y compris les obstacles non tarifaires existants » selon le mandat de négociation. Pour les sceptiques, il y a un risque d’alignement sur la législation nord américaine et de nivellement vers le bas des normes européennes.
La disposition prévoyant la création de tribunaux d’arbitrage en cas de litiges entre un Etat et une multinationale a également suscité une levée de boucliers chez les opposants au traité qui voient déjà leur justice délocalisée à Washington. La toute puissance serait alors accordée aux multinationales selon les adversaires du Tafta.
Les discussions sont pour l’heure gelées. Outre l’Atlantique, on se concentre sur les élections de mi-mandat qui auront lieu le 4 novembre prochain. De notre côté, la Commission européenne présidée par Jean Claude Junker vient d’être renouvelée.
Jérémy Bouillard,
élève en Magistère 2, portrait réalisé dans le cadre du cours de M. Naudet (journalisme économique)