Tapis rouge et salle comble mardi 14 octobre au Cézanne d’Aix-en-Provence : l’avant-première de La Femme la plus riche du monde a transporté 476 spectateurs dans les méandres de l’affaire Bettencourt. À l’issue de la projection, le réalisateur et les acteurs Laurent Lafitte et Marina Foïs ont échangé avec le public.
Nous le valons bien… mais à quel prix ? Entre luxe, héritage et secrets de famille, La Femme la plus riche du monde revisite en 121 minutes l’affaire Bettencourt. A l’occasion de son avant-première au Cézanne ce mardi 14 octobre, Thierry Klifa réalisateur, Laurent Lafitte et Marina Foïs répondent aux questions du public, pour le bonheur des petits et grands.
La première scène de l’adaptation débute par la perquisition des policiers chez Marianne, inspirée de Liliane Bettencourt. Cette prolepse permet de dérouler progressivement le récit. Remontant aux origines de la relation entre le photographe Pierre-Alain Fantin (Laurent Lafitte) et Marianne ( Isabelle Hupert ) , la riche héritière aurait en effet été manipulée. Selon son entourage et sa fille Frédérique, interprétée par Marina Foïs elle aurait accordé d’important dons. Au cœur de ce scandale : le majordome de la famille, joué par Raphaël Personnaz, accusé d’avoir enregistré sa supérieure à son insu.
« J’ai pressenti qu’il existait autre chose, (…) que les caméras et les journalistes n’avaient jamais pu atteindre. »
A l’origine de ce drame satyrique, il y a le réalisateur Thierry Klifa. Journaliste, réalisateur, scénariste et metteur en scène français. Il est notamment connu pour avoir réalisé en 2017, Tout ce qui nous sépare avec Catherine Deneuve et le rappeur Nekfeu. Mais depuis plusieurs années, c’est une femme qu’il souhaite mettre sur le devant de la scène. Fasciné dès les premiers instants par l’affaire qui a captivé le monde entier, il a suivi cette histoire « comme un roman ». « Derrière les sommes mirobolantes, les scandales et le volet politico-judiciaire, j’ai pressenti qu’il existait autre chose, une dimension plus intime et humaine que les caméras et les journalistes n’avaient jamais pu atteindre ». En redonnant la parole à des personnages souvent caricaturés, Thierry Klifa souhaite « dépasser les clichés du récit médiatique » « Il y a dans cette histoire une matière romanesque, qu’on peut tourner en comédie. On peut rire avec eux et, parfois, rire d’eux. » En effet, ce drame parvient à mettre en scène le rire à travers Fantin, jeune photographe plein d’énergie. Grâce à lui, Marianne retrouve goût à la vie: ils sortent, voyagent, rient ensemble.
« C’est un film complexe, qui mélange références historiques, cinématographiques et culturelles » souligne Mélanie, l’animatrice de la soirée. « La réalisation est exigeante : sons, cadrage, lumière, et surtout des performances d’acteurs exceptionnelles »
Après la projection, Thierry Klifa, Laurent Lafitte et Marina Foïs montent sur scène pour répondre aux questions du public. Interrogé sur son rôle de Fantin, Laurent Lafitte établit un parallèle avec Bernard Tapie, qu’il incarne dans une série Netflix : « Oui, il y a une énergie comparable, cette volonté de s’extraire de son milieu. J’ai bénéficié d’une grande liberté de jeu, tant de la part de Tristan Séguéla, réalisateur de la série, que de Thierry Klifa, ce qui m’a permis de façonner ma propre version d’un personnage inspiré de faits réels. Fantin, c’est une version queer de Tapie ». Tout au long du film, le photographe sans-gêne, s’immisce en effet dans la vie de la milliardaire avec une insolence assumée, rappelant l’exubérance incarné par Bernard Tapie.
Quand à Marina, elle refuse de juger son propre personnage. Pour elle, le rôle de l’acteur est de le regarder en face, sans le surplomber. Ce qui l’a interessée chez Frédérique, c’est sa blessure d’enfance : celle d’une femme « mal aimée », marquée par le manque d’amour maternel. « C’est une peine infinie qui dure toute la vie ». Même la coiffure, un carré figé avec une frange droite, participe à cette lecture du personnage : « les cheveux sont essentiels pour construire un personnage. Frédérique est empêchée, pas affirmée, et la coiffure reflète cette identité.
En quittant la salle, le public emporte avec lui ce savant mélange de fiction et de réalité, de comédie grinçante et de drame familial, où chaque personnage marque les esprits. Face au silence de la famille Bettencourt, qui n’a pas commenter cette adaptation libre de leur histoire, seul le public sera juge. Rendez-vous dès le 29 octobre pour découvrir cette histoire. Parce qu’elle le vaut bien.
Emma Peres
