Dans les ruelles d’Aix-en-Provence, l’air semble plus doux lorsqu’il s’imprègne du parfum de sucre chaud et de fruits torréfiés. Au 13 rue Gaston de Saporta, à quelques pas de la cathédrale Saint-Sauveur, la vitrine de Monsieur Praline attire les curieux. Ici, pas d’artifice : seulement la chaleur des machines et la promesse d’une confiserie faite sur place, à la manière d’un atelier de maître.

Photo Elina Ghez
Coryne et Eléonore, gérantes de la boutique aixoise, perpétuent un projet né d’un souvenir : celui d’un enfant qui, sur les plages de Cassis, guettait le marchand de chouchous, fasciné par l’odeur du sucre fondu. Cette réminiscence, c’est celle d’Arnaud Lepelleux, fondateur de la maison, devenu quelques décennies plus tard l’âme de Monsieur Praline.
Avec son épouse, Arnaud décide en 2020 de revisiter cette douceur d’autrefois, mais débarrassée de son excès de sucre. « Redonner au fruit son vrai goût », résume Éléonore, qui s’applique à faire vivre cette philosophie au quotidien. La recette traditionnelle, composée de près de 80 % de sucre, est ramenée à 33 %, un équilibre qui laisse le fruit s’exprimer. Le sucre de canne brun non raffiné apporte rondeur et complexité sans saturer la bouche. « Ce qui frappe, c’est la netteté du fruit sec observe Coryne. On ne sent plus le sucre avant tout, on sent le goût. »
Pour concevoir cette praline nouvelle génération, Arnaud s’entoure d’une nutritionniste, convaincu que l’artisanat moderne allie plaisir et réflexion. « La nutrition n’est pas l’ennemie du goût », glisse Éléonore, reprenant l’une des phrases favorites du fondateur.
La cacahuète, jugée trop salée, trop sucrée et peu intéressante sur le plan nutritionnel, laisse place à une palette de fruits secs nobles. Amandes, noisettes du Piémont, pistaches, noix de cajou, de pécan, de macadamia ou encore fèves de cacao.
« On a détourné la conche du chocolat pour en faire l’outil central de notre activité artisanale »
Derrière la vitrine, la fabrication attire les regards. Les pralines naissent ici, sous les yeux du public et en arrière boutique, grâce à une machine aussi fascinante qu’inattendue : la conche, habituellement réservée au monde du chocolat. « On l’a détournée pour en faire l’outil central de notre activité artisanale », raconte Eléonore. Deux lourdes meules de granit brassent la matière pendant plus de trente heures, cassant les cristaux de sucre et homogénéisant la pâte. « Ce procédé adoucit les arômes, rend la praline plus lisse, plus fondante », insiste Eléonore.
Une innovation technique qui illustre la philosophie de la maison : emprunter à l’industrie ce qu’elle a de meilleur, pour mieux servir la main de l’artisan.
De cette recherche de perfection est née une déclinaison en 2024 : les pâtes à tartiner. Issues du même travail patient sur le sucre et le fruit, elles prolongent l’esprit de la maison.
« Ce sont des pralines sous une autre forme », sourit Eléonore. Leur composition reste fidèle à la philosophie du magasin. Des fruits secs caramélisés, un soupçon d’huile de pépin de raisin (moins de 3 %) pour amorcer la conche, et rien d’autre.
Résultat : des crèmes stables et veloutées, à la pureté rare, où s’expriment pistache, noisette et fève de cacao dans toute leur intensité.
Chaque création porte un prénom provençal : Pascaline ou Jeannette, pour les recettes sucrées ; Marcel ou Ugolin pour les versions salées. « Donner un prénom à une recette, c’est lui donner une âme », confie Coryne. Ce choix, imaginé par Céline Lepelleux, épouse d’Arnaud, incarne le fil conducteur de la maison : une Provence authentique, où chaque gourmandise raconte une part de leur histoire.
Elina Ghez