© Marie Scagni
Cette jeune femme de 31 ans a fondé sa propre marque, Canopi Coffee, en août 2021. L’entreprise, située à Villepinte en Seine-Saint-Denis, torréfie et vend du café de spécialité. C’est au cours d’un voyage au Canada que Julia Scagni découvre le « slow coffee », un café plus doux qui en a réconcilié plus d’un avec cette boisson amère.
« J’ai toujours eu envie de créer mon entreprise, ça a toujours été en moi ». C’est l’expatriation qui a permis à Julia de trouver sa voie dans l’entreprenariat. Après avoir obtenu son diplôme de Master en alternance dans le domaine de la finance à l’université Cergy-Pontoise, Julia a travaillé quelques années dans le monde de la banque. Elle a choisi de laisser derrière elle la finance afin de se lancer dans ce qu’elle voulait vraiment faire. Sept mois après le début de son stage de fin d’études dans un cabinet d’audit, Julia a été embauchée par la Société Générale. Trois ans plus tard, elle a choisi de tout quitter. Un travail dans une banque française à Montréal et un nouvel univers auquel elle n’aurait jamais pensé l’attendaient. De retour de son voyage, la jeune femme effectue une formation en torréfaction et saute le pas. En tant que jeune femme entrepreneuse, Julia explique également le regard protecteur mais parfois dégradant que certaines personnes, encore aujourd’hui, posent sur les femmes à la tête d’une société.
Pourquoi avoir fondé une entreprise dans la filière du café ?
"Avant mon voyage, je n’aimais pas du tout le café parce que je trouvais ça très amer. Au Canada, ils le torréfient moins longtemps qu’en France et il est donc plus doux. Chez nous, on a la culture du prendre son café bien noir et corsé. Mais moi je n’ai jamais aimé ça. À Montréal, j’ai découvert le « slow coffee », c’est une manière plus douce de le cuire et de le consommer. J’ai vraiment découvert un nouveau monde, c’est ce qu’on appelle le « café de spécialité ». Dans la grande distribution, tous les cafés dans les rayons ont été achetés sur la bourse à un prix fixe. Alors que moi, mon argent va directement aux producteurs".
Avez-vous rencontré des obstacles dans la création de votre entreprise dans une filière plutôt considérée comme masculine ?
"Le milieu du café est un milieu masculin car, par exemple, il faut porter des sacs de plusieurs kilos. Même si ça change beaucoup aujourd’hui puisqu’énormément de femmes torréfactrices lancent leur marque. Déjà très implantés à Paris, les coffee shop sont très souvent dirigés par des hommes. Les gens ont plus l’habitude de les voir faire ce métier plutôt que des femmes. Ils sont souvent choqués, surtout quand ils voient une jeune femme comme moi dans ce milieu. J’ai eu quelques remarques de personnes surprises, « ah bon tu fais du café ? ». Certains ont un a priori sur cette filière. Quand j’ai dû aller présenter mes idées à certaines entreprises, les gens ne s’attendaient pas à voir une jeune femme faire ça".
Avez-vous dû faire face à des craintes de la part de votre entourage quand vous avez choisi de vous lancer dans cette filière ?
"J’ai eu droit à quelques remarques habituelles, telles que « t’es sûre que tu veux quitter ton CDI ? » ou « comment tu vas faire si tu veux avoir des enfants ? ». C’est toujours le genre de questions qu’on va poser à une femme mais pas forcément à un homme. Mais je sais que c’est pas méchant. J’ai l’impression que dans le milieu de l’entreprenariat, et même du travail en général, on a tendance à vouloir plus protéger les femmes alors que les hommes pas du tout. Les remarques peuvent quand même être dégradantes. Lors d’une réunion pour un comité de crédits, j’ai déjà entendu une remarque d’un homme me disant « ça va ma petite Julia ? », comme-ci on ne me prenait pas vraiment au sérieux. Dans l’entreprenariat, il y a vraiment une façon différente de voir les deux sexes".
Aujourd’hui, en tant que jeune entrepreneuse, estimez-vous avoir trouvé le bon équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ?
"Moi je n’ai pas de problème avec ça. Mais c’est vrai que dans une vie de femme, à 31 ans, tu as certaines préoccupations que n’aurait pas un homme. Quand j’ai lancé mon entreprise, je me suis demandée comment j’allai faire pour la suite si je veux un enfant. Comment je vais réussir à m’organiser ? Quel impact un enfant aurait sur ma vie professionnelle ? Ce sont des questions qu’un homme ne se poserait pas. Par exemple, je sais que ce n’est pas du tout des réflexions que se pose mon copain. En tant que femme, on se met beaucoup plus la pression sur ce sujet. Mais je pense que ça change. Aujourd’hui, je n’ai pas peur. Je me dis que c’est pas grave, ce n’est pas une maladie d’avoir un enfant. J’aurai juste plus de choses à faire. Dans le monde du travail en général, c’est souvent la femme qui a le plus de mal à concilier son rôle de mère et son rôle professionnel. Il y a un côté très protecteur et paternaliste envers les femmes".
Tessa Jupon