© Agathe Smondack Salvador
Mardi 1er mars, la faculté de Lettres a reçu professeurs, personnels et élèves afin d’assister à une table ronde nommée « l’Ukraine, la guerre, l’Europe ». Une rencontre publique de solidarité et de réflexion autour du sujet qui bouscule la communauté européenne depuis le 24 février.
12h30, quatre chaises sont disposées autour d’une table ronde, la caméra est posée sur son trépied, le drapeau de l’union européenne ainsi que celui d’Aix-Marseille Université sont placés dans le cadre. Les professeurs s’installent à leur place. Une partie du public investit la salle et beaucoup des participants se connectent sur zoom. Étudiants en LEA, en droit, ou bien d’autres spécialités, doctorants en Lettres, membres de la communauté slave… tous se retrouvent autour d’un même sujet, la guerre en Europe. Une ambiance grave pèse dans la pièce.
Alexis Nuselovici, professeur de Lettres a invité quatre de ces homologues à prendre la parole à tour de rôle. Charles Zaremba spécialisé dans les études slaves hongroises et polonaises, Céline Bricaire, spécialisée dans les études slaves et l’enseignement de la civilisation russe, Romain Le Boeuf spécialisé dans le droit international et les traités internationaux, et, enfin, Alice Fabre spécialisée en économie.
Le professeur Nuselovici commence son intervention. Il rappelle qu’il existe l’association « aide médicale caritative France-Ukraine » pour toute personne souhaitant participer à la collecte massive organisée pour venir en aide au peuple ukrainien. « La solidarité s’organise lors d’événements graves. Ces dernières années ont été particulièrement compliquées. Le COVID-19 nous a ramenés au Moyen Âge, au temps de la peste, et la guerre, quant à elle, nous ramène au siècle dernier ».
Les différents intervenants mettent en lumière certains points. Le « sentiment de responsabilité de la part du peuple russe » est évoqué ainsi que le fait que la société russe est polarisée entre les pro-Poutine et ceux qui ne le soutiennent pas et qui sont même révoltés par les événements. La professeure Céline Bricaire explique que « Vladimir Poutine est très soutenu en règle générale par son peuple notamment quant à sa capacité à présider. La Russie se perçoit comme la victime des Occidentaux. Selon eux, l’Europe ne reconnaît pas son statut mémoriel, son rôle dans la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les Russes sont amenés à croire que les fauteurs de guerre sont ailleurs. Leur pays ne combat pas le peuple d’Ukraine mais le régime. L’armée opère une protection des populations russophones des nationalistes ukrainiens et nazis». Cet exposé est illustré par de nombreux sondages et articles de journaux russes. Il dénote avec ce qu’il est possible d’entendre ou de lire dans les médias occidentaux. « Les Polonais quant à eux perçoivent l’Ukraine comme l’avant-poste de l’UE, leurs protecteurs », analyse cette fois-ci le professeur Charles Zaremba. Une nuance très marquée entre deux visions de peuples voisins de l’Ukraine.
Plusieurs interventions extérieures ont lieu pendant la réunion. Notamment l’une d’un professeur d’archéologie à l’université de Kiev. Il raconte que « le 24 février, 20 villes ukrainiennes se sont réveillées avec des explosions». Le témoignage est touchant, d’autant que la traduction est effectuée en direct par une professeure de russe originaire de Saint-Petersbourg, qui est particulièrement affectée par le sujet. « Les Russes pensaient recevoir un meilleur accueil des civils mais ont été reçus par l’armée. Mes amies vivent dans des refuges ou dans leurs caves parce que les villes sont attaquées, je prends des nouvelles de mes proches toutes les heures », raconte-t-il d’une voix fragile. Il remercie de nombreuses fois les Français pour leur soutien. À la fin de l’appel, un silence de plomb règne dans la pièce. Le public est très ému.
La réunion se clôt sur des questions-réponses entre les intervenants et le public. Plusieurs inquiétudes sont soulevées, comme le sort des étudiants russes n’ayant plus accès à leur compte bancaire, ou le rapatriement des étudiants russes et ukrainiens coincés dans la zone.
Agathe Smondack Salvador