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Chaque année plusieurs dizaines de milliers de néo-fascistes partent en pèlerinage sur la tombe de Benito Mussolini en Émilie-Romagne, au nord de l’Italie.
C’est l’histoire de 50 000 Italiens qui viennent rendre hommage à leur bourreau. C’est l’histoire de Predappio, petit village de 6000 habitants, où des milliers de néo-fascistes viennent en pèlerinage. Pourquoi ? Benito Mussolini, le fondateur du fascisme y est né et y repose. Ses fanatiques s’y rendent trois fois par an. Le 28 avril, le jour de sa mort. Le 29 juillet, le jour de sa naissance. Le 28 octobre, le jour de sa prise de pouvoir.
Des Italiens, souvent vêtus de chemises noires (symboles des milices fascistes) viennent solennellement visiter la maison dans laquelle est né le Duce, ou encore, faire un salut fasciste devant la tombe de l’ancien dictateur. Sur un carnet situé à l’entrée de la crypte, ils déposent leur nostalgie. « Reviens et remets de l’ordre ». En 2016, la ville a été au cœur des débats. « Nous voulons créer un musée du fascisme dans l’ancien Quartier Général du parti » déclarait Giorgio Frasinetti, l’ancien maire. Son objectif ? « Affronter le symbole, pour enrayer le culte du Duce ». Le projet a pris fin avec l’élection du nouveau maire qui ne veut pas faire de sa ville un centre du culte fasciste. Compréhensible.
Cependant, la commune vit de ce tourisme. Trois boutiques vendent des produits à l’effigie du dictateur. Mugs, briquets, t-shirts. Des produits dérivés trônent en vitrine dans l’avenue principale. Deux textes de loi encadrent l’apologie du fascisme en Italie. La loi Scelba, et la loi Mancino. La première sert à punir ceux qui tenteraient de ressusciter le Parti fasciste. La seconde condamne l’incitation à la haine et à la discrimination. Deux définitions assez floues, soumises à l’interprétation du juge et souvent inoffensives pour les vendeurs de souvenirs du régime. Résultat, cette économie, difficile à chiffrer, gagne du terrain en Italie. Elle fait même travailler divers secteurs drainant capitaux et clients, le tout au nom du Duce.
Le fascisme, une plaie encore gisante
De nombreux reportages surréalistes y ont été tournés, dans lesquels des pèlerins se déclarent ouvertement nostalgiques du passé Fasciste. Pour rappel, ce mouvement apparaît en 1923 en Italie sous l’impulsion de Benito Mussolini. Cet idéal d’extrême droite inspire Hitler dans sa confection du nazisme. Il rejette le libéralisme, l’individualisme et tolère la violence de droit. Le parti est nourri par l’antisémitisme, l’homophobie et la haine des personnes atteintes d’un handicap. On peut alors se demander, comment de nombreux Italiens peuvent encore lui porter un amour irrationnel. Il est bon de rappeler que l’Italie, dans sa configuration actuelle est une nation très jeune. Historiquement, la botte a été influente lors de l’Empire Romain qui a dominé la Méditerranée et l’Europe jusqu’à sa chute en 476. Cette période est source d’inspiration pour le Duce, nostalgique de la puissance romaine passée.
Le pays s’est unifié en 1870 pour devenir la nation que l’on connaît aujourd’hui. En 150 ans d’existence, elle n’a que rarement été une puissance mondiale. Aujourd’hui, les disparités entre les régions restent ancrées dans les mentalités. Une véritable scission entre le Nord et le Sud est visible. Cependant, sous le parti fasciste la botte s’est unifiée et l’extrême droite a mis sous diapason toutes les régions. C’est cette unité et cette puissance qui bercent la nostalgie des groupes néo-fascistes. C’est ce qu’on appelle le mythe de l’âge d’or italien. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, toutes les nations se sont unies contre le nazisme. Oubliant le parti fasciste qui « disparaît » en 1945 lors de la mort du Duce, abattu par les communistes italiens. Le corps du dictateur est laissé deux jours pendu par les pieds sur une place de Milan. Cet acte symbolise de la fin du Régime en Italie. Résultat : aucun dirigeant fasciste n’est jugé ou condamné. Étonnant, lorsque l’on voit les traitements réservés aux hauts dignitaires nazis et japonais. Le devoir de mémoire n’a pas été rendu et c’est aujourd’hui la principale cause de cette nostalgie. Alors qu’on aurait du mal à imaginer un chancelier d’extrême droite en Allemagne, le chef du gouvernement Italien était jusqu’en février, Giuseppe Conte proche du mouvement 5 étoiles, défini comme un fascisme social. Nostalgie ou honte, le fascisme est aujourd’hui un tabou qui plane sur la société italienne. Incitation au devoir de mémoire, apologie du fascisme, le compromis semble de plus en plus compliqué.
Vincent Pic