Depuis quelques semaines, le gouvernement annonce son changement de stratégie vaccinale, et promet une accélération notable. Au-delà des paroles, une réelle inflexion de la courbe vaccinale s’observe-t-elle ? La transformation paroles/actes est un peu plus complexe à mettre en ordre.

En ce début du mois de mars, les couacs sur la vaccination sont fréquents, et trouver une dose libre relève parfois de l’exploit. Informé à la dernière minute que des créneaux de vaccinations étaient disponibles dans l’arrière-pays aixois, Stéphane saute sur l’occasion et décide d’emmener sa tante, 85 ans, prioritaire mais toujours pas prise en charge. À son arrivée, le chef d’entreprise de 50 ans, avec quelques antécédents médicaux, se voit proposer une dose d’Astra-Zeneca. « On a du mal à écouler toutes nos doses », confie le médecin à Stéphane, effaré par l’annonce, tant il entend ici et là à quel point il est compliqué de se procurer le précieux sésame. Ni une ni deux, il retrousse sa manche, convaincu de l’importance de se faire vacciner, mais aussi pour éviter qu’une énième dose ne soit pas injectée.

Au mois de janvier, Luc Dusquenel, médecin généraliste et président de la Confédération des syndicats médicaux français, expliquait au HuffPost comment, à cause de la rupture de la chaîne du froid, de telles situations pouvaient survenir. Les vaccins, fournis par Pfizer à l’époque, se conservaient entre -70 et -80 degrés. Or, “une fois envoyés dans les centres de vaccination, ils sont placés dans des frigos à une température comprise entre -2 et -8 degrés, et ne peuvent être conservés que 4 ou 5 jours”. Une organisation qui patine, des prises rendez-vous difficiles à fluidifier, et le risque de perdre 25 à 30% des doses injectables du vaccin apparaît dans les établissements de santé. C’est face à cette crainte que certains hôpitaux, parfois reculés, ont recours à de la débrouille, et proposent des dernières doses à un public non prioritaire.

Pourtant, depuis une quinzaine de jours, le gouvernement, notamment par l’intermédiaire de son Premier Ministre, sort les muscles et affiche son ambition. « 585 000 Français ont été vaccinés contre le Covid-19 durant le week-end, annonçait dimanche 7 mars Jean Castex, ajoutant par la même occasion que le processus vaccinal allait s’accélérer dans les prochains jours. Mais, au 10 mars, si plus de 9 millions de doses ont été reçues par la France, seules 4,3 millions de premières doses ont été injectées. « On est loin de l’explosion et de la vaccination, les chiffres le montrent. La vaccination à tour de bras exigée par Emmanuel Macron va mettre du temps à se mettre en place », analyse Laureen Piddiu, journaliste pour « La Marseillaise », qui suit de près la situation sanitaire dans la région. « Ça ronronne, et la menace imminente d’un nouveau confinement irrite et risquerait même de mettre un coup d’arrêt à la stratégie », poursuit-elle.

« Aller au combat »

Le vaccin Astra Zeneca est depuis quelques jours dans la tourmente, puisque onze pays, dont l’Italie, la Bulgarie, et plus récemment la France, ont annoncé la suspension des injections du sérum britannique. Dans le même temps, la Haute Autorité de Santé vient d’autoriser un nouveau vaccin, celui de Johnson&Johnson. Une annonce qui ne contente pas tout le monde. En effet, le sujet des brevets agite la sphère politique française. Dans une sortie musclée dans le Journal du Dimanche, le maire de Marseille Benoît Payan invective le président de la République. «Je demande au chef de l’État de mettre le paquet pour aller en chercher (des vaccins). Il doit tordre le bras des laboratoires. Face à la pandémie mondiale, la protection des brevets et de leurs bénéfices ne m’intéresse pas. Si les laboratoires font de la rétention de vaccins, le président de la République doit aller au combat », a asséné l’élu socialiste.
Avoir plus de vaccins, mais dans quel but ? « Seule l’immunité collective peut éradiquer le virus», affirme toujours au JDD Benoît Payan. Pour atteindre cet objectif tant espéré, selon le site internet VaccinTracker.fr, au rythme actuel appliqué à la moyenne des sept derniers jours,  l’ensemble de la population adulte sera vaccinée le 29 juillet 2022. Le retour   » à la normale », espéré ou fantasmé d’ici la mi-avril, paraît de plus en plus éloigné. 

L.K.