La condamnation historique de Nicolas Sarkozy en première instance à trois ans de prison, dont un ferme, pose de nombreuses questions d’égalité devant la loi
L’ancien président de la République, condamné lundi 1er mars dans l’affaire dite des écoutes, compte bien faire appel. Invité à l’antenne de TF1, il s’est dit victime d’une « injustice profonde », et a affirmé être prêt à saisir la Cour européenne des droits de l’Homme s’il le fallait. De son côté, le Parquet national financier (PNF) a aussi annoncé faire appel de la décision, ce qui peut conduire à une condamnation plus lourde en appel. Les deux coprévenus dans l’affaire, l’avocat Thierry Herzog et l’ex magistrat Gilbert Azibert, ont aussi été condamnés à la même peine, qui s’assortit de 5 ans d’interdiction d’exercice du métier d’avocat pour l’ami de Nicolas Sarkozy.
Des réactions diverses sur l’affaire
De nombreux hommes politiques ont réagi à la décision du tribunal de Paris. Pour Christian Jacob, président des Républicains, « on est véritablement dans l’acharnement, sans doute dans du manque de professionnalisme ». Il affirme aussi qu’il est nécessaire de « revoir, et les méthodes, et les fonctionnements du Parquet national financier, et même son existence ». Même son de cloche du côté du Rassemblement National : « On a le sentiment qu’on est rentrés dans une république des juges », affirme Jordan Bardella, vice-président du parti. Pour Marine Le Pen, interrogée au micro d’Europe 1, « il y a un problème d’impartialité du Parquet national financier ». Son constat : « l’intégralité des grands responsables d’opposition sont mis en examen », ce qui transforme selon elle de cette institution en « parquet de l’opposition ».
A gauche, les commentaires sont plus contrastés. Jean-Luc Mélenchon considère dans une note de blog que cette condamnation « accroît le malaise politique du pays ». « Un sondé sur deux dit n’avoir plus confiance [dans ce système de justice] », affirme le candidat à la présidentielle. Pour lui, le « système judiciaire n’est pas un appareil de vengeance politique ». Julien Bayou, secrétaire nationale d’EELV, déclare dans un tweet qu’on « reconnaît une démocratie à sa capacité à juger ses dirigeant-es ». Du côté des élus PS, on dénonce plutôt la prise de position de Gérald Darmanin, ayant apporté son « soutien amical » à l’ancien président.
Pour les soutiens les plus proches de Nicolas Sarkozy, c’est un coup dur. « C’est inadmissible qu’on traite un président de la sorte. On salit son honneur, son titre », déclare Nadia, présidente d’un comité de soutien. « Il m’a fait mal au cœur. Il doit se justifier devant les Français, comme s’il avait volé ou tué, comme un délinquant ». Elle avoue avoir « mal dormi » dans la nuit de lundi à mardi, soir de la condamnation. « Si c’était vraiment vrai, je serais profondément déçue, mais je n’y crois pas ». Dans l’opposition, on a d’autres considérations : « Ça m’a surpris sur le coup. Mais après réflexion, ça semble logique qu’il soit condamné », exprime Léo, sympathisant de la France Insoumise. « Il y a enfin quelqu’un qui est condamné en rapport à ses actes, ça montre qu’il n’y a pas une justice à deux vitesses ».
Nicolas Sarkozy, un citoyen (extra)ordinaire
Si « nul n’est au dessus des lois », il est difficile de considérer une personnalité politique comme un citoyen « lambda ». Deux jours après sa condamnation, l’ex-locataire de l’Élysée a pu se défendre directement sur TF1, devant plusieurs millions de spectateurs. Des moyens médiatiques extraordinaires, que tout le monde ne peut s’offrir. Se pose aussi la question de l’exemplarité : les élus incarnent les valeurs de la démocratie française. Le Président de la République est ainsi « garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire » , selon l’article 64 de la Constitution. Le jugement rendu, considéré sévère, intervient aussi en conformité avec ce principe d’exemplarité.
La condamnation à trois ans de prison, dont un ferme, est toutefois critiquée. Elise Van Beneden, présidente de l’association Anticor, considère que la corruption a « un coût démocratique, qui est celui de la confiance des citoyens en leurs élus ». Notamment dans cette affaire où il n’y a pas eu de transaction financière. Elle plaide plutôt pour une condamnation à l’inéligibilité. « L’enjeu, c’est l’exemplarité de la peine. Dans des cas comme celui-ci, on n’est pas obligé de recourir à la prison », défend-elle. De nombreuses questions demeurent, mais Nicolas Sarkozy n’est pas au bout de ses peines. Il doit à présent enchaîner avec le procès de l’affaire Bygmalion, dans laquelle il est mis en cause. Procès qui débutera le 17 mars.
Simon Ansart-Polychronopoulos