« Vous permettre de transformer votre passion en métier », c’est la promesse de PHG Academy, école d’esport située à Mulhouse créée en 2014. A mi chemin entre sport-études et centre de formation.
Aucune recette miracle n’existe pour former des athlètes. « La première chose que je dis à mes élèves, c’est que je ne vais pas les transformer en pro », affirme Swany, coach et responsable du jeu « League of Legends » dans l’école. « Notre but, en tant qu’enseignants est d’apporter une méthode qui permet d’être le plus compétitif possible. Mais il faut aussi beaucoup d’investissement personnel de la part des étudiants, sans quoi ils n’iront nulle part », détaille l’ancien élève devenu professeur. Sur les 60 à 80 élèves accueillis chaque année, il est évident que tous ne deviendront pas professionnels.
La méthode enseignée par l’école passe par un double apprentissage. Des cours théoriques le matin, avec notamment des cours d’anglais, langue essentielle dans le milieu très internationalisé de l’esport. Mais aussi de la culture générale, du management, de la communication, ainsi que de la préparation mentale et sportive. L’après-midi est dédié à la pratique. L’étudiant s’entraîne ainsi sur le jeu qu’il a choisi en début d’année, accompagné par un coach qui encadre les sessions et suit la progression des élèves répartis en petits groupes. Au total, ce programme occupe environ 35h par semaine pendant un an. Mais la formation ne s’arrête pas aux cours dispensés.
Une formation de découverte
Une école d’esport, c’est aussi la proposition d’un an en « immersion ». Reprenant le format de la « gaming house » (lieu de travail et de vie pour les joueurs professionnels, NDLR), la PHG Academy propose ainsi aux étudiants une insertion totale dans le milieu. Ils vivent, mangent et dorment sur place. Logique, puisque l’hygiène de vie pour la pratique compétitive implique une discipline dans l’alimentation et le sommeil. C’est aussi ce qui plaît. « L’école est une occasion de découvrir ce que le travail de joueur pro implique réellement », explique Mew, ancien élève de l’école devenu coach mental pour Team BDS, une équipe de LFL (l’équivalent de la Ligue 1 pour League of Legends, NDLR).
Mew s’est d’ailleurs découvert pendant sa première année d’études une passion pour le coaching. « J’avais déjà un Master 2 en psychologie sociale, et j’adorais l’esport. En arrivant dans l’école, j’ai peu à peu pris conscience que ce qui me plaisait le plus était d’accompagner les joueurs, plus qu’en être un moi-même », détaille-t-il. « A l’époque, la formation était balbutiante puisque je fais partie de l’une des premières promotions, il n’y avait pas encore de cours de coaching », précise celui qui est désormais en charge de cet enseignement à PHG Academy. Chaque année, le contenu de la formation évolue et s’adapte.
Mais tous les élèves ne sont pas aussi enthousiastes. Hera, formée pendant l’année 2018-2019, témoigne, elle, d’une déception : « La qualité des profs était variable, on avait des très bon cours et d’autres qui ne servaient à rien. Mais c’est surtout au niveau de l’internat que c’était choquant. Le ménage devait être fait par les élèves, les toilettes et les douches étaient assez sales, certains ne nettoyaient pas lorsque c’était leur tour. Les chambres, collectives, étaient petites, environ 10m². Et encore, on avait de la chance, on était que deux. Les garçons avaient le même espace, mais ils étaient à quatre dedans », déplore-t-elle. La joueuse faisait aussi figure d’exception dans un milieu très masculin : « On était 2 filles sur la promotion d’environ 60 élèves. C’était limite un record, d’habitude il n’y en a qu’une seule par année ».
Des débouchés nombreux mais incertains
Si les élèves veulent devenir « joueur professionnel » en entrant dans l’école, beaucoup se rendent compte que ce n’est pas à leur portée. Ils peuvent en revanche découvrir d’autres voies, liées à leur passion. L’esport est un secteur d’activité comme les autres, qui couvre de nombreux métiers : management, communication, journalisme, coaching, etc. Le rachat récent de l’école par le groupe éducatif IONIS change aussi la donne. Auparavant, la formation ne délivrait pas de diplôme certifié par l’état, et la poursuite d’études s’avérait complexe. Il est désormais possible de continuer après la première année dans un autre établissement, comme la XP School, qui appartient au même groupe. Avec la possibilité d’obtenir un diplôme certifié par l’état (niveau Bac+5), en étant formé à des métiers du secteur.
Et si les écoles d’esport se multiplient partout en France, certaines sont accusées de vendre du rêve à leurs étudiants, sans pour autant garantir un suivi sérieux. Pire, en proposant parfois des conditions de vie et d’études plus qu’austères! Ayant fait scandale, ces initiatives ternissent encore l’image de ces formations même si on observe désormais une professionnalisation avec, notamment, l’investissement de sociétés privées réputées comme le groupe IONIS (qui possède entre autres Epitech, EPITA, Supinfo). Reste la question du prix. Il faut en effet débourser près de 8000€ par an pour pouvoir tenter l’aventure. De quoi réfléchir à deux fois.
Simon Ansart-Polychronopoulos