La réforme du Bac prend effet cette année et bouleverse lycéens et professeurs, habitués à un système ancré depuis des années. Fin des filières L, S, ES, moins d’épreuves terminales et plus de contrôle continu, la « génération test » doit s’adapter à cette nouvelle organisation. Ajoutés à cela, la crise sanitaire et le manque de places en universités, les lycéens subissent une pression accrue, à l’heure des conseils de classe du premier trimestre.
« Si je n’ai pas 16 de moyenne, je ne serai jamais acceptée en Prépa. Il faut absolument que j’aie les félicitions ! ». Anaïs, en Terminale dans un lycée privée marseillais, ne cache pas son inquiétude. Le premier trimestre, perturbé par le second pic du virus et certains cours à distance, touche à sa fin. Et désormais chaque note compte. Les lycéens subissent de plein fouet une rude concurrence pour les études supérieures. Entre le nouveau système de Parcoursup, avec une sélection dans la quasi totalité des facultés, et le nouveau Bac, les élèves sont très stressés. Il n’y a même pas quatre ans, les lycéens postulaient à n’importe quelle licence tout en étant sûr d’être pris- à condition d’être diplômé-, alors que ceux d’aujourd’hui subissent une pression durant la totalité de l’année scolaire. « J’ai une copine qui n’a pas été prise en Prépa au Lycée Thiers avec 16 de moyenne ! », explique Charlotte, lycéenne marseillaise de 17 ans. Stéphane Daumillare, professeur de SES et professeur principal d’une classe de Terminale dans un lycée privé réputé à Marseille, essuie les déboires de ses élèves préoccupés par un trimestre perturbé. « Il y a une surenchère sur les notes. Si je leur mets 15 et pas 17 ils se sentent dévalorisés et paniquent. J’ai reçu des mails d’angoisse de lycéens durant cette semaine de conseil de classe, beaucoup s’inquiètent de leur moyenne ». Le problème étant qu’en fonction de l’établissement, les attentes sont relatives et les exigences, différentes. Le professeur reconnaît que les notes sont strictes dans son établissement mais que le niveau est supérieur, afin que les élèves soient prêts pour la suite de leurs études. Mais les élèves se comparent à leurs amis scolarisés dans d’autres établissements. « Sur Parcoursup en mars, des élèves de lycées publics avaient 20 de moyenne dans leur spécialité, ce qui est impossible dans notre établissement. », s’indigne Anaïs.
La situation sanitaire, facteur de stress supplémentaire
Les évaluations communes des Premières qui devaient avoir lieu pour la première fois cette année ont été annulées lors du premier confinement. Un test qui n’a pas eu lieu et qui a angoissé certains lycéens qui avaient pourtant révisé leur épreuve de français. « Les bons élèves sont inquiets de ne pas avoir quelque chose d’officiel et d’extérieur au lycée, un examen national qui atteste de leur bon niveau. », explique Lucas Leroux, professeur de français et philosophie et responsable d’une préparation au concours Sciences Po à Marseille. Les cours à distance ont creusé certaines inégalités et ont engendré le retard de programmes. « En fonction de la qualité des professeurs et de la matière enseignée; il est difficile de faire des maths en visio, ça ne change pas grand-chose, les bons élèves bossent et les autres moins. », nuance le professeur de français. « Je pense que beaucoup de lacunes s’accumulent et la marche risque d’être haute en fac ou après », s’inquiète-t-il. Beaucoup d’élèves également ont décroché lors du premier confinement et ont eu du mal à démarrer cette nouvelle année scolaire.
Une réforme du bac qui perturbe
La refonte du lycée a ouvert aux lycéens le champs des possibles. En fin de seconde, ils ne doivent plus choisir la fameuse filière mais faire le choix d’une association de nouvelles spécialités. Pour Stéphane Daumillare, le choix fait prématurément peut avoir un impact sur le reste des études. « Je constate parfois que leurs spécialités ne sont pas adaptées à leurs souhaits, certains veulent faire des écoles de commerce ou prépa sans avoir choisi maths. D’autres veulent faire Sciences Po alors qu’ils n’ont choisi presque que des matières scientifiques. Beaucoup d’élèves sont incapables de faire des choix en fin de seconde qui détermineront leur avenir. »
C’est lors de l’année scolaire dernière que les élèves de première ont découvert pour la première fois les nouveaux programmes et les emplois du temps éclatés par l’éventail de « triplettes » possibles. Ce lycée à la carte, annoncé comme « révolutionnaire » par l’Education Nationale, pose néanmoins certaines questions. « Les lycées sont en train de se spécialiser pour des raisons organisationnelles (professeurs, emploi du temps, réputation) et les élèves vont ainsi se retrouver en seconde dans des établissements qui ne proposeront pas toutes les options. On leur imposera des choix qui vont les prédéterminer totalement jusqu’à la fin de leurs études supérieures. C’est donc l’effet contraire de ce que le Bac à la carte devait provoquer, cela pose un gros problème sur le long terme », analyse Lucas Leroux. « Le problème de cette réforme est selon moi qu’elle n’a pas suffisamment été construite en lien avec la réforme de l’université », conclut le professeur.
Manon Ufarte