Mercredi soir, sur le coup de 20h, la nouvelle tombe. Les bars et restaurants de la Métropole d’Aix-Marseille seront totalement fermés dès dimanche. Liamed sert ses clients habituels au bar O’Shannon quand son patron lui apprend la nouvelle. Le sol se dérobe alors sous ses pieds.
« Ils sont en train de nous tuer ». La voix de Liame est aussi lasse que ferme. Il est encore tôt, et le bar est vide. Elle s’attelle à nettoyer les tables. En prononçant ces mots, ses mouvements se font plus vifs, plus précipités. La fermeture des restaurants et des bars aixois, elle l’a apprise par le bouche à oreille, comme tout le monde. Si certains en débattaient assis autour d’un verre, elle courrait des tables au comptoir pour servir ses clients. La nouvelle lui a fait l’effet d’une bombe.
« J’ai entendu beaucoup de jeunes dire qu’ils étaient dégoutés, qu’ils avaient prévu de sortir… Mais moi, ma bière après le travail, je m’en fous. Mon job par contre c’est différent. » À 19 ans, la jeune femme travaille dans ce bar à plein temps. Si elle tient tant à cet emploi, c’est qu’il lui permet d’être financièrement indépendante. Sans cette source de revenus, sur quoi peut-elle compter ? Le chômage partiel, bien sûr, même si elle avoue qu’il ne suffit pas forcément. Demander de l’aide à sa famille ? Impossible. « Plutôt mourir ! ». Le menton haut et l’air fier, Liame serre les dents. Elle sait faire des sacrifices. Alors que son auto-école lui demande 700 euros pour passer son permis la semaine prochaine, elle se résigne à remettre son projet à plus tard.
Au-delà de l’aspect financier, la jeune femme reconnaît être déboussolée à l’idée de ne plus fréquenter ses collègues quotidiennement. « Il y a le travail, bien sûr, mais en plus on se connaît tous dans la rue », confie-t-elle après avoir salué le serveur du bar d’en face. C’est le troisième qui s’arrête pour prendre de ses nouvelles. Lorsqu’elle avoue ne pas savoir ce qu’elle fera, seule, pendant ces 15 jours, son regard se perd dans le vague. Evidemment, elle peut voir ses plus proches collègues si elle le désire. Mais ça ne fait pas tout. « Y’en a plein des clients qui viennent surtout pout nous voir, qui nous apprécient et qu’on adore aussi… Cette fermeture, ça va jouer sur le moral. » Déconcertée, perdue, et en colère, Liame termine en haussant les épaules : « Bon, allez… Qu’est ce qu’on peut y faire, nous, maintenant ? ».
Lucie Hugonenc