Partir en vacances, y passer un an pour ses études, ceux qui font le choix de découvrir ce pays sont nombreux. Mais décider de s’y installer définitivement, c’est autre chose. Le choix d’une vie pas toujours facile. Entre accueil chaleureux, acclimatation et parfois désillusion, voici des petits bouts de la vie d’expatriés au Japon
Cela fait deux semaines qu’Estelle Abrial travaille à Osaka. Tous les matins elle prend le train bondé pendant plus d’une heure au milieu des japonais en costume. Shawn Clankie, lui, vit au Japon depuis 17 ans. Il enseigne les langues appliquées à l’Université d’Otaru dans le grand nord nippon. Estelle est tombée amoureuse du pays un peu par hasard. D’abord intéressée par les langues elle a découvert une culture dans laquelle elle a voulu se plonger. Une licence de japonais, un an à l’université d’Osaka et un master plus tard, la voilà de retour dans ce pays qu’elle aime tant. Elle vie pour le moment dans la famille d’une amie japonaise et travaille comme stagiaire pour six mois dans une entreprise qui fabrique et commercialise des saxophones et anches. Shawn voulait simplement quitter l’Amérique, changer d’horizon. Il atterrit au Japon après des lectures à l’université d’Hawaii. Il n’en repartira jamais.
Trouver un emploi au Japon quand on est étranger relève souvent du parcours du combattant. La plupart des expatriés le diront, les seuls emplois stables qu’on puisse trouver ce sont des postes de professeurs de langues. Les autres, travaillent très souvent dans les entreprises étrangères. C’est la cas d’Estelle, son patron est allemand. Et bien qu’elle ne travaille qu’avec des japonais elle sent bien la différence « ce n’est pas formel comme les autres boîtes japonaises. Ils ont l’habitude de travailler avec des étrangers et sont très ouverts. » Shawn quant à lui voulait depuis toujours être professeur et a trouvé un emploi rapidement à l’Université d’Otaru, « J’ai vite pris mes marques depuis 2003. J’ai même été responsable du pôle des langues. En revanche même si je suis respecté par mes collègues je sais qu’en tant qu’étranger je pourrais difficilement prétendre au poste de doyen de l’université ».
Le pays longtemps replié sur lui-même ne s’est ouvert au monde que récemment. A l’image du premier ministre Shinzo Abe qui n’a jamais vraiment dirigé une politique en faveur des étrangers. D’un autre côté de nombreux japonais sont ravis de pouvoir accueillir des gens intéressés par leur culture et leur pays. Un Japon à deux visages, auxquels chaque expatrié doit faire face. Comme l’explique Estelle, réaliste : « Les parents de mon amie japonaise m’apprécie, ils me préparent mes petits plats, comme si j’étais de la famille, je suis chouchoutée, j’ai pleins d’amis sur place et un petit copain japonais que j’adore. D’un autre côté les gens me regardent souvent dans la rue, même si ce n’est pas méchant. Et on peut toujours tomber sur quelqu’un qui fait une réflexion désagréable ». Shawn a un point de vue qui s’en rapproche : « ça fait 17 ans que je vie au Japon, je suis marié avec une japonaise, parle couramment la langue et si sa famille et mes amis me considèrent comme japonais, il m’arrive encore d’être traité comme un étranger dans la vie courante ». Mais, aucun d’eux ne se verrait ailleurs, grâce à toutes les petites choses qu’ils apprécient tellement dans ce pays : « les gens sont respectueux, prennent soins les uns des autres, toutes ses petites habitudes qui rendent la vie ici agréable » pour Estelle. Et du côté de Shawn « je travaille au milieu des montagnes enneigées, dans un cadre sublime, en faisant un métier que j’aime, que demander de plus ».
Margot Harty