L’homme de 22 ans était jugé devant le tribunal correctionnel d’Aix
Article réalisé dans le cadre du cours de journalisme juridique en deuxième année
Une banque qui n’exécute pas un service demandé, un virement, ce peut être énervant, rageant, mais au point de menacer les banquiers en sortant un revolver… C’est beaucoup, et ça peut conduire au tribunal. C’est l’amère expérience qu’a fait Saïd, 22 ans, prévenu devant la juridiction correctionnelle d’Aix pour menaces de mort avec ordre de remplir une condition. C’était à Vitrolles le 12 août dernier. L’homme débarque dans une agence bancaire, où il aurait demandé depuis plusieurs jours un virement de 20 000€ qui n’arrive pas. Il se serait alors adressé aux employés en ces termes : « Si j’ai pas mon virement je vais tous vous massacrer un par un », d’après les dépositions de ces derniers. Puis, il aurait suivi une employée dans un bureau, sorti en revolver mais sans le pointer, en ajoutant « je vais tous vous massacrer si j’ai pas mon argent ». Les employés se pressent alors d’appeler la police, qui n’arrive pas à temps. À l’accueil de la banque, l’homme a été filmé. Avec les témoignages des salariés, la police retrouve le jeune homme, le 26 août. Il est alors placé en garde à vue, présenté en comparution immédiate et écroué en attendant son jugement sur le fond qui avait lieu mardi dernier.
« Ils veulent peut-être mon argent »
La présidente Boresi l’interroge sur les faits : « J’ai pas fait de menaces, c’est vrai j’ai pas été gentil », dit-il. « Trois personnes au moins racontent la même chose », note la juge, « parce que j’attends 20 000€, ils veulent peut-être mon argent… », explique le prévenu, au tribunal, sceptique. La présidente rappelle son casier et constate qu’il a déjà été condamné pour des faits similaires. Côté professionnel, il se dit « en train de chercher une formation », à la mission locale. « Dans mon passé j’ai été violent, pas menaçant, je pensais qu’ils (la police) venaient me chercher pour d’autres affaires », ajoute l’homme. « Vous avez d’autres affaires non jugées ? », s’étonne la présidente, « non… je sais pas », hésite le prévenu. La juge rappelle le « choc » des victimes, « c’est moi qui suis choqué madame ! », s’exclame le jeune homme.
« Vous pensez que vous êtes la seule personne mécontente d’un virement ? », lui rétorque fermement la présidente, « non… », admet-il. « Comme par hasard ils auraient un mobile, l’argent, mais ils ne se constituent pas partie civile, alors quel est leur intérêt ? », souligne la présidente, mais l’homme ne plie pas.
« Venant de n’importe qui, on dirait que c’est un moment de d’égarement, mais avec votre casier, ça en est trop ! On ne peut pas ainsi comme vous le faites menacer les gens de mort, ils ont peur ! », s’exclame le procureur Poulet, « ils ne savaient pas si vous alliez passer à l’acte ! », ajoute-t-il, requérant quatre mois de prison ferme.
L’avocate de la défense, Me Mattei, tient à rappeler le contexte, la vie du prévenu. “Né aux Comores, une mère souvent absente, il a choisi des chemins de traverse. En 2009, son père est mort dans le crash de la Yemenia ». D’où viennent ces 20 000€ ? « Il a hérité de son père, dont cet argent. Il va à la banque demander le virement qui n’est pas fait et s’énerve, il gueule », ajoute l’avocate. Selon elle, les trois personnes qui se sont dites menacées “ne sont pas toutes concordantes“, notamment sur le lieu de la scène. « On a fait une enquête à charge, à aucun moment les clients ne semblaient perturbés. Les violences ne sont corroborées par rien sauf les victimes », déclare-t-elle, plaidant la relaxe.
« Je m’excuse d’avoir crié sur les banquiers, mais j’ai insulté personne, et je m’excuse auprès de vous de vous faire perdre votre temps », tient à ajouter le prévenu.
Le tribunal le déclare coupable, il écope de 120 heures de travail d’intérêt général. « On a tenu compte du fait que vous n’ayez pas pointé l’arme, si vous êtes impulsif, il faut aller consulter un médecin », conclut la présidente après annonce du délibéré.
Thibault Franceschet