©Marie Lagache
Trois ans après le drame de la rue d’Aubagne, la neuvième Agora de Noailles s’est tenue ce samedi 6 novembre. Les Marseillais se sont exprimés sur leurs problèmes au quotidien, leurs inquiétudes pour l’avenir, l’avancée de l’enquête judiciaire et leurs réflexions sur la problématique du logement.

Chérif, Niasse, Taher, Fabien, Simona, Julien, Marie-Emmanuelle et Ouloume. Le 5 novembre 2018, huit personnes ont perdu la vie dans l'effondrement des immeubles 63 et 65 de la rue d’Aubagne, dans le quartier Noailles à Marseille. Ce drame a également traumatisé tous les habitants de la cité phocéenne. Trois ans après, les Marseillais se sont réunis afin de rendre hommage aux victimes, de ne pas oublier ce drame et de continuer à lutter contre le mal logement.

Le vendredi 5 novembre 2021, rue d’Aubagne, les Marseillais observent huit minutes de silence avant de former un cortège. Ils prennent ensuite la direction du musée d’Histoire de la ville, afin d’inaugurer l’exposition « Prendre la place ». Le lendemain, le samedi 6 novembre, à l’occasion de la deuxième journée d’hommage, se déroule la neuvième Agora de Noailles. Cette assemblée de quartier se veut un espace d’expression, de collaboration et de réflexion.

« Nous souhaitons faire en sorte que les parties prenantes ne soient pas écartées des projets. »

Installés sur des bancs ou directement sur les marches des habitations, autour d'un café chaud pour supporter le froid d’un matin de novembre, en face de l’espace vide laissé par les immeubles de la rue d’Aubagne, entourés de journalistes venus couvrir l’événement, les habitants du quartier se réunissent. « On veut agir concrètement et être reconnus », affirme Pierre-Alain Cardona, représentant de l’Agora de Noailles. « Nous sommes aussi un groupe de travail en dehors des assemblées. Nous souhaitons faire en sorte que les parties prenantes ne soient pas écartées des projets. »

Les habitants échangent sur les problématiques d’insalubrité et de relogement. « Il va y avoir de nouveaux signalements d’immeubles en péril, donc il va falloir trouver des solutions », s’inquiète une des participantes. « La priorité est de continuer d’interroger les collectivités sur les projets de relogement car on a besoin d’informations concrètes », lui répond un Marseillais. Les membres de l’Agora réfléchissent aussi à la possibilité de légiférer les Airbnb dans la cité phocéenne afin de faciliter le relogement.

« J’ai l’impression de vivre un cauchemar depuis trois ans. »

Les citoyens s’expriment aussi sur les problèmes concrets de leur quotidien dans le quartier. Virginie habite au 66 rue d’Aubagne, juste en face des immeubles effondrés. La jeune femme se lève, se positionne face à l’assemblée et raconte son calvaire. La Marseillaise parle notamment des difficultés qu’elle rencontre actuellement avec son assurance. « C’est très compliqué d'habiter ici. J’ai l’impression de vivre un cauchemar depuis trois ans. ».

Benoît Gilles, journaliste chez Marsactu, prend aussi la parole afin de faire le point sur l’enquête judiciaire. « On va rentrer dans une nouvelle phase très longue, je vous préviens. » Les personnes mises en examen il y a un an contestent les accusations. Leurs avocats n’ont cependant pas souhaité s’exprimer sur ces recours, annonce le journaliste. « C’est le droit à la défense, mais c’est une torture pour les parties civiles », souligne toutefois le rédacteur de Marsactu.  

Le prochain rendez-vous de l’enquête judiciaire est donné pour janvier. Les juges d’instruction recevront alors l’ensemble des parties civiles. Le journaliste revient ensuite sur la politique de lutte contre l’habitat indigne à Marseille. « C’est extrêmement compliqué », prévient Benoît Gilles. « Entre le Covid-19 et les élections municipales, les équipes ont mis beaucoup de temps à se mettre au travail. » Une enquête sur l’état des immeubles à Marseille devrait bientôt être lancée.

« Il est trop tôt pour s’engager sur une date de début des travaux. »

Le deuxième et le troisième arrondissement compteraient le plus d’immeubles en mauvais état selon l’Agora de Noailles. L'assemblée estimerait à 4 000 le nombre de propriétés potentiellement indignes. « C’est une grande phase d’état des lieux qui va démarrer », explique le journaliste. Mais cela coûte de l’argent. Les collectivités doivent trouver les budgets et des financeurs. « C’est à partir de là qu’on pourra avancer. »

« L’urgence du centre-ville a plus de 20 ans. Mais jusque là personne n’a mis en œuvre des dossiers », s’indigne Benoît Gilles. « Il est trop tôt pour s’engager sur une date de début des travaux. ».  Les problèmes de financement et les débats actuels entre les collectivités sur la répartition des compétences n’y sont pas pour rien. Face à l’urgence du mal logement à Marseille et malgré les trois années passées depuis le drame de la rue d’Aubagne, les habitants doivent encore attendre.

Marie Lagache