Plusieurs jours après le début de la mobilisation, les files d’attente pour faire le plein d’essence atteignent parfois plusieurs kilomètres. Cette semaine, près de 30 % des stations services éprouvaient des difficultés d’approvisionnement. Face à l’échec du dialogue social, le gouvernement a annoncé ce mardi, par une déclaration d’Élisabeth Borne, la réquisition de membres du personnel d’Esso. Si pour certains, cette décision porte atteinte au droit de grève, pour d’autres en revanche, elle est le moyen inévitable d’endiguer une crise dans laquelle les consommateurs font office de victimes collatérales.

Une grève qui impacte et agace les consommateurs

À bord de son véhicule diesel, Alain, retraité, cherche depuis de longues minutes une station essence dans laquelle les files d’attente ne sont pas trop longues. À ses côtés, son épouse Isabelle s’inquiète : “nous devons rejoindre des amis à Reims ce week-end mais il nous manque une dizaine de litres pour faire le plein”. Fort heureusement, leurs efforts sont récompensés lorsqu’ils croisent la route d’une station reculée et peu fréquentée. Mais leur inquiétude ne s’estompe pas pour autant. Dans deux semaines, le couple de Messins doit rejoindre sa résidence secondaire dans le Sud de la France pour déménager : “si cette pénurie continue, nous roulerons à 110 kilomètres heure sur l’autoroute pour faire le trajet sans devoir faire le plein”, souffle Alain.

Si beaucoup de consommateurs s’inquiètent pour leurs activités personnelles, d’autres se retrouvent en difficulté dans leur vie professionnelle. Pour Francis Crombet, conducteur de bus dans le département de la Moselle, difficile de travailler l’esprit tranquille : “Hier, j’ai dû rouler trente minutes avant de trouver une station. Si la situation ne se débloque pas d’ici trois ou quatre jours, je pense que nous serons contraints de fermer des trajets. C’est ce qu’il s’est passé dans la région de Troyes où ma société a un dépôt de gazole. Ils ont dû annuler des tournées en raison de l’absence de carburant”. Cette situation l’inquiète d’autant plus qu’il doit faire face à la réticence de certains employés des stations services à fournir 300 litres d’essence tous les deux jours pour faire fonctionner les bus.

Soutien mitigé aux grévistes

Devant les files d’attentes interminables, Alain et Isabelle s’agacent des lourdes conséquences de la grève. “Si les salaires mensuels bruts des opérateurs de raffinage chez Total sont bien de l’ordre de 5000 euros, je trouve scandaleux de bloquer la France pour cela. Des personnes qui gagnent bien moins se retrouvent en difficulté pour aller travailler”, s’indigne Alain. Pour Isabelle, professeur d’économie-gestion dans un lycée, les salariés profitent de leur possibilité de mettre le pays en pénurie pour exprimer leur colère : “Je comprends les revendications. Les salariés n’ont été augmentés que de 3 % tandis que l’inflation tourne autour des 6 %. Malgré tout, je pense qu’il y a d’autres façons de procéder pour demander une augmentation.”.

Bien que fortement touché par cette pénurie, Francis Crombet soutient quant à lui bec et ongles le droit de grève : “Je trouve que la décision du gouvernement de réquisitionner des travailleurs porte atteinte au droit de grève. Au-delà de cette décision, je considère que le gouvernement est fautif. Ils auraient dû réunir tous les protagonistes autour d’une table en amont pour prévenir cette pénurie”.

Heureux comme un conducteur de voitures électriques

Dans ce contexte, les conducteurs de voitures électriques semblent être les seuls gagnants. Cela fait désormais près d’un an qu’Alain et Isabelle ont sauté le pas. Un choix écologique qui leur permet aussi de faire de grandes économies, et ce malgré l’augmentation des prix de l’électricité. “Faire le plein nous coûte 3,40 € pour une autonomie de 200 km”, précise Alain. Bien qu’elle ne leur permet pas d’effectuer de long trajets, la voiture électrique les soulage face à de potentielles carences de gazole. “Lorsque l’on croise ces files d’attente, nous sommes tout de même bien contents de rouler en électrique”. En effet, plus besoin pour le couple de se rendre en station pour faire rouler leur véhicule. Il leur suffit simplement de le brancher dans leur garage. Une alternative encouragée par l’État.

Arthur Jégou