Le parc national de Port-Cros en pleine lutte contre le braconnage : l’intelligence artificielle à la rescousse
27 mai 2021
Le parc national de Port-Cros est un véritable refuge pour la nature et les très nombreuses espèces qui l’habitent. Mais depuis peu, il doit faire face à une recrudescence des pratiques de braconnage. Un renforcement de la surveillance est donc nécessaire, et le parc national a décidé d’avoir recours à une intelligence artificielle pour faciliter ses missions de vigile.

 

Véritable havre de paix pour la biodiversité, le parc national de Port-Cros abrite des centaines d’espèces de faunes et de flores. Etabli sur l’archipel côtier des îles d’Hyères dans le Var, Port-Cros est le plus ancien parc marin de France et d’Europe. Protecteur de la nature, le parc ne regroupe pas moins de 177 espèces d’oiseaux, 180 espèces de poissons et des centaines d’autres mammifères et insectes. La diversité de la flore est tout aussi impressionnante puisqu’on trouve environ 180 espèces de flores terrestres et 500 espèces d’algues sur le site. Tout ce petit monde bénéficie d’un grand environnement protégé de 1700 hectares terrestres et 2900 hectares marins. Certaines zones du parc national sont entièrement interdites d’accès : les îlots de la Bagaud et Gabinière. Mais tout ce petit monde habituellement protégé se retrouve aujourd’hui menacé.

 

Plan du parc national avec ses 1700 ha terrestres et 2900 ha marins (crédit photo : prc national de Port-Cros)


Le parc national face à une recrudescence du braconnage marin


Depuis décembre dernier, le parc de Port-Cros est confronté à une augmentation des actes de braconnage en mer. La surveillance exercée par les patrouilles a ainsi permis de verbaliser cinq pêcheurs sur la zone protégée. Les fautifs sont tout aussi bien des pêcheurs de loisir que des professionnels, et ils pratiquent la pêche à la ligne comme la pêche au filet. Selon les cas, les sanctions encourues pour des actes de braconnage incluent : la confiscation du matériel utilisé, une amende pouvant aller jusqu’à 22 500€ et une suspension des autorisations de pêche (ou de chasse le cas échéant).
Dans le but de réduire les actes de braconnage sur le parc national, des patrouilles nautiques et terrestres sont organisées. Depuis peu, un nouvel outil pourrait bien permettre de faciliter la surveillance du site : le dispositif EyeSea.

 

Le dispositif EYESEA : l’intelligence artificielle pour la protection de l’environnement


Au-delà d’un beau jeu de mot, EyeSea (I see) est un système de télésurveillance contrôlé par une intelligence artificielle. La caméra est entraînée à repérer certains types d’objets et à analyser la situation en temps réel. Si elle détecte des comportements suspects, l’intelligence artificielle envoie une alerte aux patrouilles qui savent ainsi où aller et peuvent intervenir rapidement. Le système EyeSea, est exclusivement orienté vers la protection des milieux littoraux, donc la protection du milieu marin (pêche, chasse sous-marine, pollution…). Le Parc national de Port-Cros est en quelque sorte le terrain de test de cette technologie innovante. Avec le temps, le dispositif EyeSea reconnaîtra de plus en plus d’objets flottants et pourra analyser les situations plus rapidement, ce qui permettra de rendre plus efficace la surveillance du site protégé.

Le dispositif d’intelligence artificielle EYESEA devrait permettre de grandement améliorer l’efficacité de la surveillance du parc national (crédit photo : parc national de Port-Cros).

 

David Poncin, responsable systèmes d’information du parc national de Port-Cros, témoigne de l’efficacité du dispositif EyeSea et de l’évolution de la surveillance du site.

 

Quel(s) type(s) de braconniers rencontrez-vous majoritairement à Port-Cros ?


Il s’agit principalement pour le Parc national de Port-Cros d’un braconnage lié au milieu marin, même si les infractions en milieu terrestre existent aussi. Parmi les espèces qui vivent sur le parc, certaines sont à fort potentiel économique et financier. Par exemple, pour un braconnier flécher plusieurs mérous, c’est s’assurer des bénéfices à la revente. Pour le milieu terrestre c’est la même chose.

 

Comment est organisée la surveillance du parc national ?


La surveillance se fait principalement par des patrouilles d’agents du Parc national qui sont commissionnés et qui ont toutes les compétences pour verbaliser sur les articles du code de l’Environnement. Les patrouilles sont aussi bien terrestres que maritimes. En saison estivale des équipes de la Police nationale viennent en renfort, plus occasionnellement des patrouilles des Affaires maritimes, de la police municipale, de la gendarmerie maritime ou des agents de l’OFB (Office Français de la Biodiversité). Ceci aussi bien à terre qu’en mer, selon les corps et les missions.

 

Comment est venue l’idée d’avoir recours à une intelligence artificielle pour renforcer la surveillance du site ?


Plusieurs facteurs convergeant sont venus étayer l’idée d’une intelligence artificielle au service de la surveillance d’un territoire sensible comme celui d’un Parc national.
Premièrement, nous devons répondre aux missions prioritaires : les agents du Parc national sont très mobilisés en saison estivale sur l’accueil du public, le respect de la réglementation terrestre et maritime, la protection contre les incendies… Tout cela dans un contexte de sur-fréquentation des îles. Les horaires et les équipes ne peuvent pas être extensibles, il faut donc une solution pour gérer cette situation.
Deuxièmement, il y a une nécessité de surveiller le territoire à tout moment de l’année et de la journée : l’avantage du système EyeSea est qu’il permet de n’être alerté que lorsque c’est nécessaire. Pas besoin de laisser un agent en permanence derrière un moniteur. L’IA alerte en cas de besoin par SMS, l’agent qui peut alors décider d’intervenir ou de se connecter à la caméra en direct et d’analyser la situation par lui-même.
Troisièmement, nous avons besoin d’être efficace : la lutte contre le braconnage demande beaucoup de préparation et une collecte importante d’informations. Il faut s’investir fortement pour un résultat qui n’est pas toujours à la hauteur de ce qui est espéré. Les agents des Parcs nationaux, notamment ceux de Port-Cros, cumulent des fonctions très variées et n’ont pas toujours la possibiliterd’accorder à la lutte contre le braconnage tout le temps qu’ils voudraient.
Enfin, un territoire protégé comme Port-Cros est un lieu à forts enjeux en termes de biodiversité et la sécurité des espèces qui l’habitent est essentielle.
Ainsi il est apparu évident qu’un système à intelligence artificielle qui apprendrait au fur et à mesure pourrait nous permettre d’être plus efficace sur certaines opérations de lutte contre le braconnage. De plus, ce dispositif ne nous prend pas plus de temps ni ne nécessite plus d’agents.

 

Avec l’arrivée du système EyeSea, comment avez-vous réorganisé la surveillance du parc national ?


EyeSea AMP a été pensé pour éviter de mobiliser des agents en permanence sur des évènements qui sont ponctuels et peu prévisibles. C’est un outil d’aide à la décision mais il ne remplacera pas les agents qui jugeront utile d’intervenir ou pas. Ce système doit compléter mais pas remplacer. La décision en dernier recours sera toujours celle de l’humain.

 

Mathilde Gibillino