A l’heure du covid-19 et des services de réanimation surchargés, il est bien normal de parler des hôpitaux. Mais il est aussi bon de rappeler que le reste du monde médical ne s’est pas arrêté de tourner pour autant. Petite rétrospective d’une année un peu particulière avec un kinésithérapeute.

Lors du premier confinement, les cabinets de kinésithérapie et d’ostéopathie ont dû fermer pendant six semaines. Au lieu de recevoir leurs patients, les praticiens se déplaçaient à domicile pour certains cas comme les sorties d’hospitalisation. Outre les rééducations et soins pour cancer ou traumatologie, les douleurs d’algie étaient plutôt nombreuses, se rappelle François, kinésithérapeute et ostéopathe à Marseille : « il est arrivé plusieurs fois que des gens m’appellent en pleurs tellement ils souffraient ». Aujourd’hui, les cabinets ont rouvert mais avec des protocoles sanitaires à respecter : masques, gel hydroalcoolique et pas plus de deux personnes à la fois. « Globalement, les patients respectent les mesures sans problème, quoique une fois j’ai bien eu affaire à un illuminé qui refusait de mettre le masque », déclare François.

Le kinésithérapeute remarque qu’avec les confinements et le télétravail, les cas de mal de dos ont explosé : « Il s’agit majoritairement de douleurs cervicales et lombaires ». Autre pathologie qui revient beaucoup depuis un an : le SADAM, un problème lié au serrage excessif des mâchoires. François explique que ce phénomène est non seulement dû au stress mais aussi en partie au télétravail : la position face à l’ordinateur favorise les tensions au niveau de l’ATM (articulation de la mâchoire) et entraine le serrage des dents et des mâchoires. « C’est une articulation très soumise à la tension émotionnelle, donc avec le stress, voire l’anxiété du confinement, ça empire ». Le kinésithérapeute a également constaté qu’avec le report des opérations à l’hôpital, il a d’un coup reçu beaucoup de patients en besoin de rééducation : « J’ai aussi eu des personnes qui se sont blessées en faisant du sport à la maison ». Avant mars 2020, les journées de François étaient déjà bien remplies, mais maintenant la situation s’est compliquée, il faut s’adapter à la demande qui augmente. Cinq journées de douze heures dans la semaine, ça fait déjà pas mal. « Ce n’est pas une question de vouloir faire du chiffre mais j’ai des demandes de personnes en détresse et je ne peux que les accepter. Refuser les patients, même s’il n’y a pas d’urgence, ça peut être une perte de chance de bon rétablissement pour eux et une source de souffrance. »

Les praticiens doivent aussi gérer la partie émotionnelle de la douleur, qui augmente avec l’anxiété de la situation sanitaire. Pendant les deux premiers confinements les soignants étaient parfois le seul lien social pour les patients. Ils fournissent une forme de soutien émotionnel, écoutent les gens qui se confient et les rassurent. « Ça fait aujourd’hui partie de notre rôle d’expliquer aux patients comment ça se passe et de les rassurer, non seulement par rapport à leur pathologie, mais aussi à propos de la situation actuelle. » Cela dit, ce n’est pas toujours facile, d’autant que pour François, il y a maintenant un problème de dialogue dans le monde de la santé. « Avant, la seule source d’information médicale pour les patients, c’était le soignant. Aujourd’hui on a un accès à une information illimitée mais biaisée ». C’est à cause de la multitude de renseignements qu’on trouve sur Internet qu’on en arrive au point où le patient pense savoir mieux que le soignant ce qu’il faut faire. « Les gens arrivent avec une idée préconçue de ce qu’ils ont, et il faut arriver à leur expliquer ce qu’il en est réellement. » Il y a un vrai dialogue à faire, d’une part avec les malades pour les mettre en confiance, et d’autre part entre les soignants afin d’être cohérent et d’offrir une explication claire au patient.

Mathilde Gibillino