Avec le Brexit et depuis le 1er janvier 2021, tout a changé pour les expatriés français. Ceux qui vivaient sans visa, sans problème au pays des Beatles et de la reine Elizabeth doivent désormais faire un choix : Should I stay or should I go ? Entre rêves et désillusions, cinq Français nous font part de l’avenir auquel ils aspirent.

 

Une régulation simplifiée pour les expatriés résidants déjà au Royaume-Uni

 

Les expatriés résidant et travaillant au Royaume-Uni avant le 31 décembre 2020 peuvent demander grâce à un formulaire en ligne, le settled-status (pour ceux installés depuis plus de 5 ans) ou le pre-settled status (pour ceux installés depuis moins de 5 ans).

Certains Français ont fait de l’Angleterre leur deuxième patrie depuis longtemps. C’est le cas de Claire et Olivier, 44 et 47 ans, installés depuis 2010 à Altrincham, dans la banlieue de Manchester. Elle, est communicante, lui est prothésiste-dentaire.
Ces anciens Lyonnais n’ont jamais regretté leur choix de s’expatrier outre-manche : « Évidemment on ne pouvait pas prédire que la situation évoluerait ainsi, mais à l’époque, l’opportunité professionnelle s’était présentée du jour au lendemain. Et comme nos enfants n’étaient âgés que de 2 et 4 ans, on avait estimé que c’était le bon moment pour partir et pour leur permettre d’acquérir un bagage culturel et linguistique intéressant ». Pour conserver leurs droits suite à la sortie officielle du Royaume-Uni de l’UE, Claire et Olivier ont dû entreprendre les démarches pour obtenir leur settled-status : « C’était une formalité administrative assez simple à effectuer notamment par le fait que nous possédions tous les deux un emploi stable. Cela ne changera rien pour nous puisque désormais, nous pourrons continuer à vivre au Royaume-Uni pour une durée illimitée».

 

Pour ceux arrivés depuis peu au Royaume-Uni, la situation n’est pas plus contraignante. Si Louis et Abigail ne se connaissent pas, leur situation demeure très similaire puisque tous les deux sont expatriés français et bénéficient du pre-settled status. Ils pourront le convertir en settled status dans 5 ans.

Louis, 28 ans, est arrivé en Angleterre en novembre 2018, à une période où « il était encore facile pour les étrangers de trouver du travail outre-Manche  ». Alors étudiant à l’école Polytechnique, il décide de faire son stage de fin d’étude à Londres dans une entreprise de fonds d’investissement, la start-up Eighty Technologies. Il est aujourd’hui analyste en mathématiques financières dans la même entreprise. Son pre-settled status a été facile à obtenir, surtout que « les entreprises ont tendance à tout faire pour conserver leurs « skilled workers », leurs travailleurs qualifiés, déjà établis en Angleterre ».

 

 

Abigail, 23 ans, s’est installée à Londres en juillet 2020, « juste à temps pour obtenir un Pre Settled Status ». Elle est étudiante en double master Français/PGCE Secondary MLF à l’Université de Lille en lien avec University of Roehampton.


Entre les enseignements à la fac et les cours de français et d’espagnol qu’elle dispense à des écoliers anglais, Abigail a toujours souhaité devenir professeure de langue étrangère en Angleterre. Mais les potentielles conséquences économiques du Brexit pourraient en décider autrement.

 

 

 

Un avenir incertain pour les expatriés français


Pour ces expatriés français, difficile de prévoir quel sera leur avenir. Abigail, à peine installée à Londres, songe déjà à partir. « Le Brexit a légèrement changé mes plans. Avant, je m’imaginais rester toute ma vie au Royaume-Uni. Mais vu que les prix des produits importés risquent d’augmenter et que je ne possède pas de garants britanniques pour mon logement. J’envisage de partir dans d’autres pays où mon diplôme sera reconnu. Notamment dans les pays du Commonwealth dont le système scolaire est proche. Comme de toute façon il faut demander un visa pour tous ces pays, mais également pour le Royaume-Uni, cela me semble bien plus faisable de partir! »
Claire et Olivier sont plus mitigés sur la question : « Pour l’instant nous comptons rester. On a toute notre vie à Manchester. Certes notre famille est restée en France, mais nous avons un groupe d’amis très soudé ici. Malgré tout, il faudra certainement qu’on y réfléchisse à nouveau dans quelques années, quand notre aînée entrera dans l’enseignement supérieur… »

Louis, lui, n’aura pas à tergiverser longtemps. Il rentre à Paris : « Grâce à une opportunité professionnelle, je pars travailler dès mars 2021 dans la filiale parisienne de mon entreprise. Ce sera plus facile à concilier avec ma vie personnelle ».

 

Une situation plus difficile pour les nouveaux expatriés

 

Et qu’en est-il de ceux qui veulent s’installer au Royaume-Uni ? Antonin, 33 ans, est développeur informatique. Il habite actuellement à Rennes, mais cherche un emploi sur Londres afin d’y vivre avec Sophia, sa petite amie anglaise. Désormais, pour obtenir un visa de travailleur qualifié, il faudra qu’il justifie d’une proposition d’emploi d’une entreprise référencée par le gouvernement britannique, qu’il gagne au moins 26 500 livres par an et qu’il possède un niveau B1 en anglais : « J’espère trouver rapidement un emploi dans les prochains mois, mais même là je ne sais même pas si je remplirai toutes les conditions. Il faut rajouter à ça un contexte sanitaire qui n’aide pas à la recherche d’emploi, et des entreprises peu enclines à embaucher des salariés étrangers en raison des nouveaux frais occasionnés par les visas de travail ».


 

Les expatriés français au Royaume-Uni

 

Qui-sont-ils ?

 

En raison d’un marché du travail très attractif et d’une économie dynamique, nombreux sont ceux à venir s’installer au Royaume-Uni. A Londres, ville qui attire surtout les étudiants et les jeunes actifs, 33% des expatriés français sont âgés de 25 à 30 ans.
Selon le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, cette communauté française vivant en Grande Bretagne est composée à 55% de femmes et à 45% d’hommes. Les Français séjournent en moyenne 5,7 ans au Royaume-Uni (chiffre calculé sur la durée d’inscription au Registre du Consulat général de Londres).
Le Royaume-Uni attire surtout les « skilled workers » français, autrement dit, les travailleurs qualifiés. Ces derniers sont diplômés d’une université ou d’une école, et sont généralement spécialisés dans les domaines de l’ingénierie, de la médecine ou encore de l’informatique.

 

Combien sont-ils ?

 

Le 1er janvier 2021, le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a publié le registre des Français établis à l’étranger pour l’année 2020. 144 084 Français expatriés au Royaume-Uni étaient inscrits dans ce registre. Un nombre qui demeure signifiant pour le troisième pays d’accueil des Français expatriés, mais qui s’accompagne d’une dynamique descendante.
Depuis le référendum du Brexit en 2016, ils sont de moins en moins nombreux à être enregistrés auprès des services consulaires. Ainsi, en 2019, on dénombrait 147 548 Français inscrits sur ce registre.
Mais même si les chiffres indiquent une baisse des immigrations françaises, il faut rester nuancé puisqu’un grand nombre d’expatriés ne se fait pas connaître auprès des autorités. Il s’avère difficile de mesurer précisément combien de Français vivent au Royaume-Uni. A titre d’exemple, en 2017, le gouvernement français estimait à 300 000 personnes le nombre total de français installés au Royaume-Uni. Plus spécifiquement, on estime encore à 250 000 le nombre de Français établis à Londres, la « 6ème ville française » selon les dires de Boris Johnson lorsque ce dernier était maire de la ville.

 

Et depuis le Brexit ?

 

Le 23 juin 2016 marquait le glas d’une ère européenne pour le peuple britannique. Le Royaume-Uni sort officiellement et juridiquement de l’Union Européenne le 31 janvier 2020. La période de transition est amorcée. Onze mois plus tard, le 31 décembre 2020, le pays se retire du marché unique et de l’union douanière. A partir du 1er janvier 2021, c’est donc un nouveau système qui se met en place pour l’immigration. Fini la libre-circulation des personnes et des biens, il faudra à présent justifier d’un visa à points pour pouvoir résider sur les terres britanniques. De quoi chambouler tout un quotidien pour les nombreux expatriés français vivant au Royaume-Uni, ou désireux de s’y installer.

 


Bérénice Meunier