L’accès à l’information a changé, en basculant dans l’ère du numérique, les jeunes générations se retrouvent plus sensibles aux médias connectés.
Hugo Travers, surnommé le « petit prince de l’info » par Le Parisien, est un jeune journaliste qui a monté son propre média (Hugo Décrypte) sur les réseaux sociaux. Suivit par un million d’abonnés sur Instagram et Youtube, il relaye quotidiennement l’actualité dans le monde devenant en cinq ans le porte-voix d’une génération. Depuis une dizaine d’années, on constate une montée du journalisme web sur les réseaux sociaux. Les supports numériques sont pour les nouvelles générations, plus précisément les 15-25 ans, l’espace dans lequel ils ont accès au savoir, aux informations et à la parole. Ils peuvent, librement, affirmer leurs opinions et afficher leur identité personnelle. Nés dans la période de l’émergence et de l’âge d’or d’Internet, ils se sont appropriés cet outil multimédia plus que leurs ainés. Le Web est devenu, en quelques années, la porte d’accès à l’acquisition des connaissances générales et spécialisées pour les jeunes, modifiant ainsi leurs pratiques en matière de recherche et de consommation de l’information. L’intérêt des jeunes pour la vidéo à la demande, les podcasts et les réseaux sociaux s’explique en partie par la multitude des supports numériques (tablettes numériques, smartphones…) présents dans notre quotidien et leur utilisation quotidienne.
Si cette génération est plus familière à ce type de contenu c’est parce qu’il est possible de suivre l’actualité en temps réel. Ils peuvent accéder à des contenus personnalisés qui les intéressent, commenter, évaluer, réagir et partager l’information rapidement et facilement.
L’accès à l’information devient une expérience sociale perpétuellement renouvelée. Ces médias et journaux d’informations numériques ont su capter l’intérêt de cette génération, les rendant accrocs à l’actualité. En effet, les publications sont quotidiennes et les sujets variés. Le format est maitrisé et adapté, il s’agit principalement de vidéos courtes, commentées et/ou sous-titrées proposant parfois des contenus chocs, inédits, accessibles exclusivement en ligne.
Ces nouveaux médias connectés se sont spécialisés dans les interviews, les minis documentaires, les directs avec un vrai propos journalistique. Ils abordent des thématiques originales, sur des sujets engagés tels que la culture pop, le bien être, le décryptage des enjeux de la planète, l’environnement, la science, les solidarités, l’égalité des droits, etc. Ces médias cherchent sans cesse à captiver l’attention d’internautes actifs comme Damien Ferrero, étudiant de 24 ans en école d’art graphique et influenceur sur Twitter (31 000 followers). Cet étudiant suit majoritairement les informations sur les réseaux sociaux. Il utilise principalement Twitter en suivant les comptes de La Provence ou encore L’Equipe pour s’informer de l’actualité sportive, locale et politique. Le jeune homme préfère ce réseau car il permet de suivre les grandes tendances, avec rapidité, échange et réaction. En effet, Twitter est construit comme un réseau destiné à la recherche active de news pour un public intéressé par l’actualité. Aujourd’hui, les internautes utilisent de plus en plus les réseaux sociaux pour avoir accès à des mises à jour rapides d’informations et interagir sur l’actualité.
Un enthousiasme que tempère Virginie Spies, maître de conférences sur les médias à l’Université d’Avignon et sémiologue « les réseaux sociaux nous poussent au binge-watching ». Elle explique que nous avons tous à faire aux médias et sommes naturellement attirés par les contenus trouvés sur le web. « Les médias numériques nous donnent à la fois de l’info et du divertissement ». Cependant, la sémiologue avertit de la nécessité d’une éducation aux médias car « il faut savoir démêler le vrai du faux dans toute cette masse d’informations et il faut que la nouvelle génération, qui a l’habitude d’internet, fasse attention aux contenus qui peuvent être parfois d’ordre fictif ou juste ludique, sans réelle portée informative ».
Mais le numérique, fortement ancré dans notre société, se trouve également être une menace pour les médias dits « classiques » comme la presse ou la télévision. S’adapter au numérique est donc fondamental pour certains médias traditionnels s’ils veulent survivre face à la montée en puissance du digital. C’est ce qu’on compris certains journaux en proposant du contenu en ligne tels que Le Monde, qui publie quotidiennement sur les réseaux sociaux et réunit plus de 1,4 million d’abonnés sur Snapchat et Instagram ou encore la version numérique du journal Libération qui se classe parmi les sites d’information mobiles les plus visités. Le numérique est donc nécessaire pour ces médias qui voient aussi l’opportunité de cibler un autre public.
Samuel Etienne : un journaliste qui a basculé dans l’univers de Twitch
Le journaliste et animateur de France Télévisions, Samuel Etienne se présente régulièrement sur la toile. Il publie et interagit sur Twitter et anime sa revue de presse « #LaMatinéeEstTienne » sur Twitch. Son objectif étant d’échanger avec les jeunes sur l’actualité via les réseaux sociaux et particulièrement sur cette plateforme de streaming dont il a su s’approprier les codes.
Qu’est-ce que vous appréciez le plus sur Twitch ?
« Il y a une saine curiosité sur Twitch, c’est un outil formidable pour informer, débattre et faire vivre la démocratie, j’apprécie le cadre libre et la liberté de ton. C’est bien plus qu’une plateforme de jeux vidéo, on peut facilement interagir. J’ai voulu me lancer sur ce média que j’ai découvert il n’y a pas si longtemps et partager ma passion pour la lecture des journaux. J’adore les revues de presse, je lis les journaux du matin. Le dialogue avec les internautes est toujours bienveillant ».
Quel est le conseil que vous donnez aux jeunes qui suivent l’information ?
« Je dis souvent qu’il faut faire attention aux sources d’informations et de les multiplier. Même si le journal papier a la réputation d’être de qualité, il faut pouvoir se faire son propre avis en lisant d’autres journaux . Et il est tout aussi important de s’ouvrir aux médias numériques et d’en suivre plusieurs ».
Pensez-vous que les médias numériques traitent mal l’information voire trop rapidement ?
« Il ne faut pas dire que l’information était mieux traitée avant, l’accélération aujourd’hui du temps de l’info est dangereuse, ça va trop vite. Mais le travail d’un journaliste print comme web est de gérer cette course à l’instantanéité, les réseaux ne sont que des nouveaux outils, il faut apprendre à bien les utiliser ».
Pensez-vous que les médias traditionnels doivent fusionner avec le numérique ?
« Les médias traditionnels se rendent compte qu’il y a des passerelles à créer entre les écrans. Mais il ne faut pas aller vers une fusion. Chaque média a une spécificité propre. Sur Twitch, ce que je préfère, c’est l’interactivité humaine que l’on ne retrouve pas avec la télévision. Mais la télévision, elle, a une puissance. On parle de millions de téléspectateurs, il est difficile de mobiliser autant sur Twitch et je ne le souhaite pas car ça empêcherait d’avoir cette interaction fluide. La télévision et les réseaux sociaux sont deux plaisirs différents qu’il faut garder à part ».
Estelle Imbert