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D’après la coutume, les parlementaires britanniques siégeant au palais de Westminster et le gouvernement ne doivent pas être influencés par la Couronne.

 

Charles III a été proclamé roi du Royaume-Uni le samedi 10 septembre. Préparé à régner pendant toute sa vie, le monarque a participé à de nombreuses réunions politiques animées. Homme de convictions et déterminé, l’ancien prince de Galle n’hésitait pas à révéler son opinion. Désormais souverain, il devra respecter son devoir de réserve.

 

Le roi ne doit pas s’immiscer dans les affaires politiques de son pays. Aurélie Duffy-Meunier, professeure de droit public à la faculté d’Aix-Marseille et chercheuse à l’Institut Louis Favoreu, explique que « le rôle principal du monarque n’est plus politique, il a évolué au cours du temps. Désormais, il a une mission de représentation formelle, mais aussi, officieusement, il peut exercer une forme d’influence sur le premier ministre ».

Mais il ne peut abuser de sa position. Le monarque britannique doit effectivement respecter un devoir de réserve. « La constitution britannique est coutumière car elle n’est pas formalisée dans une Constitution codifiée et suprême. Et parmi les éléments qui la composent, il y a les règles prévues par des lois, la jurisprudence, et des pratiques politiques. Et le devoir de réserve fait partie de ces dernières », indique la juriste spécialiste du droit anglo-saxon. Le devoir de réserve n’est inscrit dans aucun texte juridique mais relève d’une tradition forte au Royaume-Uni.

 

Un nouveau roi aux convictions affirmées

 

Même si le nouveau roi a affirmé qu’il gouvernerait comme sa défunte mère avant lui, il n’a pas la même retenue que la reine sur plusieurs thématiques actuelles. Charles III a un avis tranché sur le dérèglement climatique ou encore l’agriculture intensive. Tout mène à penser qu’il n’hésitera pas à donner son avis publiquement. Son expérience en tant que prince de Galles a déjà illustré son franc parlé et ses manœuvres politiques.

En 2005, l’affaire des « Black Spider Memos » (les Lettres de l’Araignée Noire) avait remué la société britannique. Durant près d’un an, le prince Charles donnait son appréciation aux différents ministères de l’État à propos de textes ou pratiques politiques. Le journal The Guardian a milité pour rendre les lettres du prince publiques. La justice lui a donné raison dix ans plus tard. Le procureur général britannique a déclaré que ces lettres « [renfermaient] les points de vue et les convictions les plus personnelles du prince de Galles ». Un épisode politique resté dans la mémoire des Britanniques démontrant une probable volonté du nouveau roi d’influencer silencieusement son récent gouvernement.

Pour exercer son rôle de chef d’État et de symbole universel du Royaume-Uni, le monarque devra tout de même respecter son devoir de réserve. Il pourra tenter une stratégie pour transmettre silencieusement son avis. Même si son règne de prince semble démontrer que ses méthodes sont plus directes, l’héritier du trône se verra peut-être obligé de développer un code vestimentaire à l’image de sa mère avant lui. Charles III pourrait poursuivre la stratégie subtile et potentiellement engagée de la monarque au règne le plus long du Royaume-Uni. Aurélie Duffy en est persuadée, « dans son discours (du 9 septembre 2022, lendemain de la mort de la reine), Charles III a indiqué qu’il restera fidèle à l’histoire. Ainsi, je pense qu’il restera fidèle à ce devoir de réserve ».

 

Tessa Jupon