© Marie Lagache

 

À partir d’aujourd’hui, jeudi 27 janvier, et jusqu’au dimanche 30, les électeurs inscrits à la Primaire Populaire sont appelés à voter en ligne pour l’un des sept candidats proposés. Le but de cette primaire d’initiative citoyenne est d’arriver à une candidature commune pour la gauche à l’élection présidentielle. Son vainqueur sera soutenu par ce mouvement, même si tous les candidats de gauche ne participent pas. 

 

Un mouvement citoyen inédit par sa forme et son fonctionnement 

 

Avec la Primaire populaire, c’est la première fois qu’un mouvement à l’initiative de citoyens prend une place aussi importante dans une campagne présidentielle. En effet, des modalités du vote de la désignation des candidats, en passant par l’organisation de la campagne, tout a été pensé et mis en œuvre par des citoyens. De plus, ces derniers soutiendront une candidature qui ne sera pas celle correspondant à leur parti politique de prédilection. 

Ce qui fait l’originalité de cette primaire, c’est aussi son fonctionnement. Elle a été organisée en trois étapes. Dans un premier temps, un socle commun de dix mesures inspirées des revendications de la société civile et des mouvements sociaux de ces dernières années a été co-construit avec plusieurs partis de gauche, dont La France Insoumise, Europe Ecologie les Verts et le Parti socialiste. Ensuite, 30 000 citoyens ont parrainé des candidats qu’ils voulaient voir représenter la gauche à l’élection présidentielle, dont certains n’ont pas manifesté leur accord. La liste des candidats comprend l’ex-ministre de la Justice Christiane Taubira, l’euro-député Pierre Larrouturou, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot. Anna Agueb-Porterie et Charlotte Marchandise en font également partie et représentent la société civile. Enfin, un vote en ligne est organisé sur inscription, au jugement majoritaire. Ce type de scrutin inhabituel consiste à attribuer une mention plus ou moins favorable à chacun des candidats et celui qui a la meilleure médiane ressort vainqueur. 

 

Des sympathisants de gauche majoritairement en faveur d’une union

 

Face aux faibles scores des partis de gauche dans les sondages et la montée de l’extrême droite, l’union de la gauche apparaît de plus en plus urgente aux yeux de beaucoup de sympathisants. Le sondage YouGov pour L’Internaute sur la Primaire Populaire révèle que 65% d’entre eux sont favorables à une union et souhaitent que les candidats de gauche se rangent derrière le vainqueur de cette consultation. 

Cette tendance se confirme avec les chiffres revendiqués par les organisateurs de la Primaire Populaire qui indiquent 467 000 inscrits. C’est quatre fois plus que pour la primaire écologiste et deux fois plus que le nombre de parrainages citoyens recueillis par Jean-Luc Mélenchon. De nombreuses personnalités publiques ont également soutenu cette initiative. C’est le cas de l’actrice Juliette Binoche et du réalisateur Jean-Marc Barr, qui ont appelé jeudi dans une tribune, les partis de gauche à rejoindre la Primaire populaire. Selon eux, c’est « aujourd’hui […] la proposition la plus forte pour faire émerger une candidature de rassemblement […] pour faire gagner ce que nous avons en partage, la lutte contre le dérèglement climatique et les inégalités ». 

 

Une défiance de la part des formations politiques traditionnelles

 

Malgré de nombreux citoyens favorables à cette union, les formations politiques traditionnelles montrent une certaine défiance, voire une hostilité, vis-à-vis de la Primaire Populaire. Les principaux candidats de gauche à l’élection présidentielle refusent toujours d’y participer et d’en reconnaître le résultat. Ces derniers mènent leurs campagnes depuis plusieurs mois et ne veulent pas participer à une primaire, pour certains pour une seconde fois. En effet, le candidat écologiste Yannick Jadot a déjà été désigné par son parti à l’occasion d’une primaire et le candidat Insoumis Jean-Luc Mélenchon a obtenu 278 857 parrainages citoyens à sa candidature. Ces derniers estiment donc qu’ils disposent d’une légitimité suffisante pour se présenter. Quant à la candidate Anne Hidalgo, elle s’est montrée favorable à cette primaire pendant un court moment avant de revenir sur sa position peu après, estimant que « sans la participation des Verts, la primaire de la gauche a perdu tout son sens ». 

Certains ont d’ailleurs critiqué publiquement cette l’initiative, notamment Jean-Luc Mélenchon qui n’a pas mâché ses mots sur la question. Lors de son meeting à Bordeaux lundi 24 janvier, il l’a en effet qualifiée d’« obscure primaire machin chose » tandis qu’il avait déploré son organisation dans son meeting à Nantes le 16 janvier : « 90 jours avant l’élection, [ils] n’ont aucune certitude ni sur le candidat, ni sur le programme ». Effectivement, cette primaire, est jugée trop tardive par la plupart des candidats. 

Enfin, l’absence de réponse claire de Christiane Taubira sur France Inter le 18 janvier, sur une question concernant son éventuel retrait en cas de défaite à l’investiture, n’a fait que renforcer le sentiment de défiance à gauche.

 

Des méthodes de ralliement critiquées

 

Les opposants critiquent également les méthodes utilisées par l’organisation pour essayer de rallier des candidats au processus. En effet, une vidéo s’adressant aux militants de la Primaire Populaire datant de fin octobre a fuité sur Twitter le 16 janvier et n’a fait que raviver la défiance des partis de gauche. On y aperçoit Samuel Grzybowski, porte-parole du mouvement, s’exprimant sur sa stratégie visant à contraindre les candidats de gauche à s’unir, déclarant que « le but politique est d’essayer d’empêcher qu’Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel, Arnaud Montebourg et Yannick Jadot, puissent avoir les 500 signatures.» Parmi ces méthodes : le « Serment de Romainville », cérémonie qui s’est déroulée le 16 octobre, au cours de laquelle des maires se sont engagés à ne donner leur parrainage qu’en cas de rassemblement. Alors que certains candidats peinent encore à trouver leurs 500 parrainages pour se présenter à l’élection présidentielle, cette cérémonie, appuyée par l’organisation de la Primaire Populaire, a été très décriée. 

D’autres critiques ont émergé au sujet de la désignation des candidats à la Primaire Populaire car certains d’entre eux ne souhaitent pas voir leur nom figurer sur les bulletins de vote. C’est notamment le cas de Yannick Jadot qui trouve cela « très choquant » de proposer au vote un candidat sans son consentement, tandis que Jean-Luc Mélenchon exige que les bulletins à son nom soient retirés, n’excluant pas un recours juridique.

Ainsi, malgré son objectif de rassembler autour d’une candidature commune « pour faire gagner la justice sociale, l’écologie et la démocratie à l’élection présidentielle de 2022 », la Primaire Populaire risque de finir par émietter encore plus la gauche… 

 

Marie Scagni