Fin septembre, des conflits armés éclatent dans la région du Haut-Karabagh entre Arméniens et Azéris. Pendant plus d’un mois, la situation s’envenime jusqu’à créer un véritable désastre humanitaire. Des milliers de civils se retrouvent en détresse. Heureusement, l’Arménie dispose d’une communauté soudée. Des associations en France comme Charjoum tentent alors de prendre le relais d’un État qui ne peut plus répondre aux besoin du peuple.
Bakou et Erevan, un bras de fer loin d’être terminé
Depuis la signature d’un cessez-le-feu entre les protagonistes du conflit, orchestré par la Russie le 9 novembre 2020, le calme semble s’être posé sur la région. Mais ce n’est qu’une tranquillité de façade. En effet, en début de semaine dernière plusieurs personnalités, d’Anne Hidalgo à Jean Reno, ont interpellé les dirigeants français sur le sort des prisonniers de guerre. L’Azerbaïdjan refuse toujours en ce moment de relâcher les combattants arméniens capturés avant le cessez-le-feu.
Mais ces soucis militaires ne constituent pas le problème majeur. Tout le monde a été choqué par les images d’habitants caucasiens forcés de quitter leurs demeures et de les brûler, alors que l’armée adverse avançait ses positions. Des actions plongeant les civils dans une situation catastrophique sur le plan humanitaire. Malheureusement, le gouvernement national ne parvient pas à trouver de solutions fortes pour venir en aide à ses concitoyens, qui déplorent déjà depuis longtemps des dysfonctionnements au sein de leur État.
Des associations à la rescousse du peuple
Charjoum, « Le Mouvement » en arménien, a été formé en 2016 par des jeunes militants ambitieux. Élodie Mariani s’y implique pleinement depuis sa création. « L’arménité a toujours fait partie de moi. En 2021, il y a des combats importants à mener » explique la jeune femme, en prenant comme exemple la reconnaissance du génocide arménien par l’État turc, la corruption au sein du pays, ou les droits des femmes et des LGBT. Ces engagements lui insufflent un activisme sans faille : « c’est ce qui me donne envie de m’investir durablement, pour défendre mes origines ». Aujourd’hui, cette petite-fille d’Arméniens est fière de la tournure qu’a pris Charjoum « notre ligne s’axe sur le progrès social. On a pas de hiérarchie, on est tous militants ». Elle assure que son équipe peut compter sur un soutien international. Du Liban aux États-Unis, Élodie dépeint une diaspora soudée à travers le monde.
Pourtant, tout n’a pas toujours été rose. L’impulsion qui a donnée naissance au groupe provient d’une situation assez chaotique. « Certains militants de Charjoum faisaient partie d’une autre association. Mais nous étions quelques uns à trouver cette dernière pas assez impliquées » se remémore la néo-communicante. À partir de cette volonté de prôner une ligne idéologique plus forte, un réseau de défenseurs des droits des Arméniens s’est formé petit à petit.
Réinventer le soutien à la communauté
À une conjoncture déjà complexe, se sont mixés les enjeux de la guerre du Haut-Karabagh et de la Covid-19. « Aujourd’hui, on fait face à une situation vraiment difficile. Les Arméniens, sur le front ou au sein de la population, doivent fuir pour sauver leurs vies. Depuis cet automne, les besoins humanitaires et sanitaires deviennent pressants » déplore Élodie au bout du fil. Elle explique que les bénévoles ont pour ambition première la défense d’idées, ce qui ne passe pas forcément par des actions concrètes. « On a dû revoir notre fonctionnement. Les campagnes de récoltes se sont multipliées. Médicaments, vêtements, nourriture, les besoins sont variés. Il a aussi fallu mettre en place des envois par containers », ce qui démontre bien tout le bouleversement organisationnel subi. La pandémie reste tout de même l’obstacle principal « le coronavirus représente un poids supplémentaire et a complexifié notre tâche. On ne peut quasiment pas se réunir, la coordination est moins fluide ». La vingtenaire souligne néanmoins la souplesse du gouvernement pour permettre aux activistes d’agir « les attestations se sont adaptées pour nous permettre de nous rassembler pour faire les cartons de denrées et les trier. Une aubaine pour poursuivre nos agissements ». En parallèle, Charjoum s’est également lancé sur les réseaux sociaux. Un outil numérique assez performant. Outre l’utilité d’y faire passer des messages forts, le groupement a pu lever des fonds grâce à la vente d’affiches. Tout l’argent sera ainsi reversé pour aider les réfugiés de ce conflit.
Au final, depuis ses locaux parisiens, Élodie semble enjouée d’apporter sa pierre à l’édifice. Face au terrible sort actuellement réservé aux Arméniens, cette Maralpine d’origine affirme qu’elle continuera son engagement encore bien des années « j’en retire une certaine satisfaction, un accomplissement personnel. Je me sens utile pour toutes ces familles. Agir pour la société peut être lourd, mais le soir il y a la joie de voir les bénéfices de son investissement ». En attendant la négociation d’une paix durable et stable, voire d’un retour à la normale, l’aide de la société sera toujours bienvenue face à une opposition qui peut encore dégénérer à tout moment.
Hugo Messina