Quand prendre soin de soi est primordial, des personnes se tournent vers des thérapies non conventionnelles comme la zoothérapie, appelée aussi médiation animale. Une méthode originale dans laquelle l’animal se montre d’une grande aide.

Posés sur la table, Tomtom et Nana, les deux lapins, regardent autour d’eux, sous les yeux intrigués des résidentes d’un Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Marseille. Les grandes baies vitrées séparant la salle du grand jardin laissent entrer la lumière. La porte fermée insonorise la pièce des musiques de rap qui s’échappent de la télévision. Une des résidentes approche timidement sa main pour caresser Tomtom, le petit lapin gris : « On dirait une peluche », dit-elle avec un grand sourire.

Les animaux viennent d'eux-mêmes réclamer des caresses

Les résidents assistent à une séance de zoothérapie. Pendant toute la durée de la séance, ils sont invités à interagir avec les animaux présents. Ils vont pouvoir les caresser, leur parler, et même les nourrir avec les graines et les légumes apportés par Sophie Vigne, l’intervenante en médiation pour l’Association de médiation et d’éveil par les animaux (AMEA), qui anime la séance du jour. Le but est de rendre le moment agréable. Très curieux, les animaux viennent généralement d’eux-mêmes réclamer des caresses.

L’intervenant, médiateur entre l’homme et l’animal

La thérapie assistée par les animaux (ou zoothérapie) est non conventionnelle et joue sur la relation avec l’homme. Durant les séances, l’intervenant sert de véritable médiateur. Il est l’intermédiaire entre l’animal et le bénéficiaire du soin, en encourageant les interactions. Sophie Vigne indique : « Selon les personnes, elles n’ont pas la même intensité. Certaines sont très expressives et font de grands gestes, tandis que pour d’autres, l’émotion est plus difficile à déceler ». Dans ce cas-là, un sourire est le signe que la séance a été utile.

Au-delà du simple rôle de médiateur, l’intervenant en médiation animale est également animateur. Il pose des questions aux bénéficiaires des soins sur leur lien avec l’animal, par exemple. Tout l’intérêt de l’exercice est que les personnes recherchent des souvenirs reliés aux animaux. Au fil des minutes, les « patients » fouillent dans leur mémoire, ce qui leur permet de se rappeler par exemple comment interagir avec tel ou tel animal, ou encore d’échanger sur la manière de s’en occuper.

Une thérapie aux multiples bienfaits

De très nombreux bienfaits sont reconnus à la zoothérapie, et sont tous liés à l’amélioration de la santé mentale, physique ou psychologique de la personne qui en bénéficie. On note par exemple une l’amélioration de la confiance en soi, la réduction du stress. Mais une séance peut aussi faire passer la personne du statut de soigné au statut de soignant lorsqu’elle prend soin de l’animal le temps de la médiation, qui dure entre une heure et une heure et demie. Charlotte Debacker, fondatrice de l’Association de Médiation et d’Éveil par les Animaux (AMEA), ajoute que « les animaux donnent un amour inconditionnel, sans jugement de la personne qu’ils ont en face d’eux ». Il s’agit là d’apporter une véritable source de bien-être, en leur offrant un moyen de s’évader du quotidien. Et d’ailleurs à l’EHPAD, beaucoup de résidents attendent la prochaine séance avec impatience.

« Les animaux donnent un amour inconditionnel, sans jugement de la personne qu’ils ont en face d’eux. »

Créée à Aubagne (Bouches-du-Rhône) en 2008 par Charlotte Debacker, l’AMEA a pour vocation première d’apporter du bonheur et de la joie de vivre aux personnes les plus fragilisées. Travaillant avec une centaine d’établissements dans les Bouches-du-Rhône et dans le Lot-et-Garonne, la renommée de l’association fait qu’aujourd’hui, celle-ci fonctionne uniquement par le bouche-à-oreille. Les séances de zoothérapie qui sont vendues aux établissements sont suffisantes pour lui permettre de fonctionner sans bénéficier de subventions.

Aujourd’hui, une quinzaine d’intervenants issus du domaine social et une dizaine de bénévoles participent à l’association. Ces derniers sont recrutés grâce à un partenariat avec la maison des associations d’Aubagne qui leur envoie des bénévoles.

La formation, une étape essentielle

Pour pouvoir animer une séance, l’intervenant en médiation doit avoir suivi une formation en zoothérapie, ce que propose l’association depuis 2011. Chaque année, entre dix et quinze futurs intervenants venus de toute la France sont formés. « Ces chiffres sont volontairement bas, afin d’assurer un suivi de qualité », indique Charlotte Debacker.

Cette formation d’une centaine d’heures est essentielle pour devenir intervenant en médiation animale. En plus de la formation pratique consistant à savoir comment animer une séance, l’accent est aussi porté sur la théorie. L’intervenant doit acquérir les connaissances de base sur le type de public qu’il rencontre et les éventuelles pathologies. Cela lui permet de savoir réagir dans une situation donnée, pour que tout le monde soit en sécurité.

Les animaux, éléments indispensables de la séance

À Aubagne, les intervenants et les bénévoles font vivre la ferme. Ces derniers s’occupent exclusivement des animaux en leur apportant les soins nécessaires. Et le travail ne manque pas, ils s’occupent quotidiennement de plus de 80 animaux. Dominique, bénévole à l’association depuis mai 2021, apprécie le contact avec la nature et l’activité physique : « Je me déplace même lorsqu’il pleut. Parce que peu importe la météo, les animaux n’attendent pas », livre cette passionnée.

 

« Peu importe la météo, les animaux n’attendent pas. »

 

Choisis avec soins, les animaux qui participent aux thérapies ne sont jamais les mêmes d’un jour sur l’autre.

Aucune séance ne se ressemble, car les intervenants travaillent avec du vivant. Lapins, cochons d’Inde, chiens, coqs miniatures… autant de différences pour permettre à chacun d’aller vers celui qui l’attire le plus. Ils sont généralement achetés par l’association, ce qui rend plus simple le processus de préparation pour les séances. L’AMEA a également recueilli certains animaux, donnés, ou bien des animaux abandonnés. C’est notamment le cas de Benny, un lapin à poils longs trouvé dans une benne quand il était encore lapereau, ce qui lui vaut son prénom.

Avant de pouvoir être emmené en séance, l’animal est spécialement éduqué pour la médiation animale. Il est notamment habitué au contact humain et à entrer dans sa caisse de transport. L’animal doit également savoir cohabiter dès son plus jeune âge avec les autres animaux présents à la ferme, c’est pourquoi une partie de son entraînement y est consacré. Ici, chats, chiens, oiseaux et autres rongeurs s’entendent à merveille. C’est important car une fois en séance, les animaux évoluent en liberté.

Une thérapie qui s’adresse à tous

Il faut noter que si les séances de zoothérapie se font en grande majorité en EHPAD, le public visé est en réalité bien plus large. Les intervenants se déplacent aussi dans d’autres structures comme les crèches, les foyers de vie ou encore dans des établissements pénitentiaires. Sophie Vigne précise que les médiations sont différentes selon les publics. Son expérience en établissement pénitentiaire ne ressemble en rien à celle en EHPAD : « En prison, l’objectif est d’humaniser le détenu, sans jugement sur la raison de sa détention. L’idée derrière les séances est de faire ressortir toute sorte de souvenirs ». Même s’ils n’ont pas tous eu des animaux dans leurs foyers, les détenus en ont tous croisé au moins une fois dans leur vie. Être en contact avec les animaux leur permet de les distraire du quotidien carcéral.

Lorsque le public est plus jeune, l’approche est encore différente. Elle est davantage centrée sur la prévention. Les enfants apprennent à traiter l’animal avec respect et douceur. Ils appréhendent dans quelle situation l’animal peut être dangereux, s’il y a un risque de morsure par exemple. La zoothérapie est une thérapie qui fait du bien, notamment en cette période de crise sanitaire où les contacts humains se raréfient.

Textes et photos : Eline Navarro