Le monde du sport se montre aussi passionnant que cruel. Les sportifs connaissent souvent des blessures au cours de leur carrière. Le physique comme le mental sont alors touchés. Dans le Var, le Centre Européen de Rééducation Sportive aide ces athlètes à retrouver leurs capacités par une rééducation physique et une réathlétisation sportive.
L’air marin et le chant des oiseaux pourraient presque faire croire à des vacances estivales. Mais ici, pas le temps de bronzer. Le CERS se niche sur les roches rouges de Boulouris-sur-Mer, quartier résidentiel de Saint-Raphaël (Var).
Ce centre reçoit des dizaines de patients chaque jour. Dans cet établissement, spécialisé dans le domaine de la traumato-orthopédie, se côtoient sportifs du dimanche et professionnels.
À Saint-Raphaël, le personnel est polyvalent. Un avantage indéniable selon le docteur Arnaud Malicki : « Nous sommes autorisés à prendre du tout-venant. J’apprécie cette double casquette. Des sportifs, comme des patients « lambdas » qui ont connus des pathologies importantes, viennent nous voir. » Le jeune généraliste précise cependant que « le CERS prend particulièrement en charge les sportifs de haut niveau. »
Le centre doit s’en tenir à un quota de 35 % de patients sportifs professionnels. Handballeurs et footballeurs, fréquentent ainsi des triahtlètes ou des skieurs. Deux centres de ce genre existent en France, l’autre est situé à Capbreton (Landes). Dans ces instituts, la réathlétisation et la rééducation de l’athlète sont des impératifs.
Un centre de rééducation tourné vers le sport
L’infrastructure varoise est bien connue pour son excellente approche envers ceux qui montent en haut des podiums. Le docteur trentenaire s’est d’ailleurs progressivement spécialisé dans la médecine du sport.
Comme lui, le reste de l’équipe médicale paraît inévitablement experte de ce secteur. Sophie Rodot exerce depuis 2014 au CERS en tant que kinésithérapeute. Elle s’est rapidement orientée vers le suivi des athlètes.
« Je travaille avec les sportifs de haut niveau, mais aussi les gens qui pratiquent une activité physique intense dans leur métier, comme les pompiers ou les militaires », explique-t-elle en désignant un patient du 21e RIMA (Régiment d’Infanterie de la Marine, basé à Fréjus ndlr.).
Au CERS, les trois médecins, seize kinésithérapeutes et trois ergothérapeutes, se sont formés pour prendre en charge les sportifs. Même la psychologue du centre s’est spécialisée dans leur accompagnement. En effet, une blessure peut parfois durement toucher le moral.
910 000
En moyenne, 910 000 Français contractent une blessure chaque année à cause d'une activité physique et sportive. Ainsi, 268 accidents de ce genre interviennent chaque jour en France.
Statistiques retenues par le site Plantoscope.com
Paolo Bardi, 22 ans, handballeur professionnel à la Raimond Handball Sassari (Italie), a expérimenté les services du CERS durant l’été 2021. Ce joueur français, passé par le centre de formation du SRVHB (Saint-Raphaël Var Hand Ball), a fait ce choix après une lourde opération visant à reconstruire les ligaments de sa cheville. Il revient sur ces mois durant lesquels la santé mentale peut être impactée : « Il est difficile de ne jamais perdre le moral, même impossible je pense. »
Comme beaucoup de ses coéquipiers, Paolo sait que ces moments d’indisponibilité physique sont propices à d’autres maux : « Personnellement, ce qui m’aide, c'est de ne pas perdre de vue mes objectifs », affirme le jeune homme. Il reste persuadé que la motivation est un moteur dans ces moments : « Il faut se dire que le retour sera meilleur. Je refuse de me focaliser sur ma blessure. » C’est le rôle de la psychologue du centre de suivre l’état moral des troupes au quotidien. Séjourner au CERS signifie prendre du temps pour soi et combler l’absence d’entraînements.
Réathlétisation ou rééducation ?
L’infrastructure se montre à la pointe de la rééducation fonctionnelle. Celle-ci comprend deux volets : une rééducation purement médicale, et une réathlétisation plus sportive.
Le docteur Malicki illustre le contraste entre les deux approches par l’exemple d’un individu qui se serait rompu les ligaments croisés du genou. « La rééducation visera l’endroit blessé spécifiquement, avec le but de redonner de la mobilité », vulgarise-t-il lors de notre entretien dans son cabinet. En d’autres termes, plusieurs exercices, comme des étirements, de la mobilité vont être mis en place sur la zone meurtrie.
Le médecin revient sur la réalisation d’exercices qui permettent de « renforcer les membres supérieurs et le cardiovasculaire, afin d’éviter qu’il ne soit trop diminué. » C’est à ce moment-là que Romain Fernandez, préparateur physique depuis 2005 au CERS, intervient. Il gère la réathlétisation des athlètes. « Je suis spécialisé dans la préparation physique de haut niveau. Concrètement, j’ai pour objectif de rendre progressivement du volume musculaire, de la force. » Cet ancien gérant de salle de sport poursuit en dévoilant le planning pour les patients : « La semaine de préparation physique s’organise avec trois séances de musculation, les lundis, mercredis et vendredis. Les mardis et jeudis sont réservés aux entraînements cardio et crosstraining. »
Au menu, des exercices de force, comme du développé couché, du soulevé de terre ou des tractions. Ces derniers se mêlent donc avec des circuits intenses, des efforts plus courts, avec moins de temps de récupération.
Une partie « retour terrain » s’ajoute à ce programme. Elle sert à réintégrer progressivement le sportif dans ses activités, à la fin de la rééducation.
Entourer le sportif, la solution du retour au niveau ?
Le succès semble reposer sur l’attention portée au patient. Le sportif blessé a besoin que l’on soit aux petits soins avec lui. Le suivi commence toujours par un bilan d’entrée. Lors de cette consultation initiale, le traumatisme subi est évalué et un plan médical est établi. Il tient compte des antécédents médicaux du patient.
Les professionnels de santé surveillent ensuite l’évolution de l’état de forme. « Les médecins du CERS reçoivent le patient toutes les deux semaines minimum », poursuit le docteur Malicki. Ce rendez-vous bi-hebdomadaire permet de suivre les objectifs fixés lors de la première rencontre. Au moindre souci, le patient doit signaler le problème, qu’il s’agisse d’une simple douleur ou d’une infection.
Lorsque le séjour arrive à son terme, un bilan final est dressé. Le docteur souligne l’importance de cette dernière consultation : « Je peux régler le curseur par rapport au premier rendez-vous. La guérison parfaite n’est pas le but ultime pour un sportif. Il va plutôt chercher un état intéressant pour passer à autre chose. »
Trois options finales sont étudiées par l’ensemble de l’équipe médicale. Le patient peut rentrer chez lui si tout est revenu à la normale. Si des complications persistent, des séances de kinésithérapie en ville peuvent être prescrites. Dans le pire des cas, le séjour au centre est prolongé.
Dans le service de rééducation, Sophie Rodot la kinésithérapeute insiste aussi sur la quasi obligation de s’occuper de chaque patient individuellement : « Chacun a son objectif. Chez le sportif professionnel, il y a une carrière, donc une pression. Le staff est en attente du retour du joueur. Le kiné ne va alors pas pousser aux mêmes limites. » Pour cette passionnée de VTT, la pratique d’une activité sportive personnelle permet de mieux comprendre les rééduqués. « Le sport est un milieu qui me parle. Je peux me mettre à la place des sportifs et avoir une exigence plus poussée dans la rééducation », révèle-t-elle.
Paolo, le handballeur professionnel, reconnaît que sa rééducation a été indispensable. Il précise avoir été guidé quatre heures par jour par une équipe de kinésithérapeutes, des médecins et par un préparateur physique. Un planning précis, découpé avec minutie pour que l’athlète retrouve sa forme pré-opératoire. « Je commençais la journée par une heure de préparation physique, avec du cardio ou de la musculation. S’en suivaient deux heures de massages et d’étirements. La dernière heure se faisait à la piscine, avec moins de poids », détaille le demi-centre.
Une équipe médicale en contact permanent
En arpentant les grands couloirs du centre, une certaine connivence est palpable entre les membres des différents services. Le docteur Malicki reconnaît volontiers l’utilité du travail commun : « Entre professionnels de santé, la communication est fluide. À la moindre question, les kinésithérapeutes ou les préparateurs physiques nous éclairent sur les aspects sportifs. L’approche de la rééducation devient alors plus globale. »
La kinésithérapeute fait le même constat. Pour Sophie Rodot, « La partie réathlétisation prend une part importante des soins. C’est dans ce cadre que l’équipe collabore avec les préparateurs physiques. »
Cet échange quotidien entre collègues enrichit le soutien envers le patient. « Dans un cabinet ou en club, il y a un staff, mais chacun conserve sa spécificité et les échanges sont moins nombreux. Par exemple, l’entraîneur va vouloir des sportifs au top de leur forme, ce qui peut faire oublier le volet médical », insiste le docteur.
Le remède contre les blessures
Arnaud Malicki, médecin au CERS :
« Pour éviter les incidents, il faut surveiller son hygiène de vie. Une bonne hydratation, une alimentation saine et nutritive, et une gestion intelligente de l’effort sont aussi importantes. »
Paolo Bardi, demi-centre à la Raimond Handball Sassari :
« Personnellement, je commence à me connaître. Quelques fois dans l’année, pendant des moments de fatigue, je prends des sels minéraux en poudre, censés améliorer ou accélérer la récupération, après chaque entraînement. »