Les personnels de l’Éducation nationale sont deux fois plus touchés par les agressions que dans l’ensemble des autres professions. 12 % d’entre eux déclarent faire l’objet de menaces ou d’insultes sur leur lieu de travail.
Sentiment de peur, d’impuissance et d’incompréhension, stress post-traumatique, dépression… Nombreux sont les sentiments qui poussent les professeurs, victimes d’agressions verbales ou physiques à appeler à l’aide. Le rapport 2011 du Carrefour Santé Social et les enquêtes de victimisation menées ces dernières années, montrent que l’exposition des personnels d’enseignement et d’éducation à des violences répétées, est un facteur de difficulté, de tension, voire d’épuisement professionnel.
Psychologue depuis de nombreuses années, Thierry Salmon a souvent affaire à ces personnes. « Elles viennent parce qu’elles ont été choquées par l’agression qui, très souvent n’est pas la première dans le cadre de leur travail ».
12% font l’objet de menaces ou d’insultes
Nathalie*, professeur de Lettres-Histoire dans un lycée professionnel à Vitrolles et plusieurs fois victime, raconte que c’est parfois compliqué de retourner sur le lieu de l’agression.
« C’est difficile parce que nous ne sommes plus en confiance. Mais ça dépend aussi de l’agression et de comment elle a été traitée par la direction… Si la réponse de l’établissement est de nature à protéger le prof et à prendre en compte son mal-être, ça l’aide à passer à autre chose. Si au contraire la direction minore l’agression, alors là ce n’est pas possible ».
Un tiers des victimes estiment que l’incident a perturbé leur vie quotidienne, notamment leur vie professionnelle. Très souvent d’ailleurs, les établissements ont tendance à se défausser et à ne pas assumer les responsabilités en raison du principe non bis in idem : pas de double peine. Mal renseignés, les professeurs se voient gérer seuls les conséquences de l’agression et ont le sentiment d’être seuls face à la situation. Pourtant, l’élève qui aurait agressé un personnel d’éducation peut aussi faire l’objet de poursuites pénales alors même qu’un conseil de discipline a déjà décidé d’une sanction. Le cas est d’autant plus compliqué pour les jeunes professeurs. L’agression survenant en début de carrière les ébranle et remet en question leur vocation. Nombre d’entre eux pensent d’ailleurs à muter ou même à démissionner pour effacer tout souvenir. « Il y a toujours de l’appréhension à la reprise, mais c’est vrai pour toutes les agressions, quelque qu’en soit le contexte. Les victimes se demandent comment il va leur être possible de reprendre. Pour certaines personnes c’est inimaginable de repartir de zéro », explique Thierry Salmon. « Le fait de raconter, de le mettre en forme et de l’ordonner, permet de clarifier ce que la personne a dans la tête. Elle se sent mieux moralement et ensuite physiquement. En soi, ce sont les conséquences qui font plus mal que l’agression elle-même ».
46% gardent des séquelles de l’agression
Selon l’issue, en moyenne 46 % des personnels de l’Éducation nationale menacés ou insultés au sein de leur travail, signalent des séquelles telles que des troubles du sommeil ou une perte de confiance en soi dans l’année qui suit l’incident.
*Pour respecter l’anonymat, le prénom a été changé
En tant qu’agents publics de l’Etat, les professeurs peuvent être protégés en cas d’agression physique ou verbale. La déclaration des faits à son supérieur hiérarchique, dans les moindres délais et par un rapport écrit est une étape préalable. La direction aura alors l’opportunité d’en informer l’Inspection de l’Education Nationale, qui tout au long de la procédure de protection statutaire de l’agent victime, lui apportera aides et conseils. Ainsi, la victime pourra porter plainte, bénéficier d’une protection juridique et disposer d’une protection médicale. Une fois informé, le recteur pourra décider de soutenir la victime en écrivant au procureur de la République pour lui demander d’engager une procédure judiciaire contre l’auteur de l’agression. Enfin, celui-ci pourra proposer à la victime une liste d’avocats ayant conclu un partenariat avec le rectorat, notamment pour le montant des honoraires et les modalités de la défense.
« Le rectorat peut apporter une aide juridique si le statut de victime est reconnu. Mais dans les faits nous sommes souvent seuls. Le seul soutien qu’on a, vient de la famille et des amis » conclut la professeur de Lettres-Histoire.
Manon Lepesme