©Aliénor Lefèvre
Selon Statista Research Department, depuis 2017, les femmes représentent 38,7% des députés à l’Assemblée nationale. Une hausse de 11,8% par rapport à 2012 liée à l’appel d’Emmanuel Macron incitant les femmes à devenir parlementaires. Anne-Laurence Petel, députée LREM de la 14ème circonscription des Bouches-du-Rhône et conseillère municipale, témoigne des difficultés qu’elle rencontre en tant que femme politique.
Vous avez attendu l’appel d’Emmanuel Macron pour présenter votre candidature aux législatives en 2017 : pourquoi ?
« Comme beaucoup de femmes, je m’appliquais une forme d’auto-censure. Je ne me croyais pas légitime à accéder à cette fonction. J’étais persuadée que le rôle de député n’était pas pour moi, qu’il fallait avoir des compétences particulières. C’est après l’appel d’Emmanuel Macron que je me suis dit : si le Président pense que des gens de la société civile peuvent accéder à ces fonctions, je ne vois pas pourquoi moi je ne me le permettrais pas ».
Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez fait face depuis votre élection ?
« Dans la tête des gens, un député est forcément un homme. La semaine dernière on a cru que mon collaborateur était le député. Quand il a expliqué sa véritable fonction, la personne n’a pas pensé à me demander si c’était moi. Elle croyait juste que le député n’était pas venu. J’ai dû lui dire qui j’étais. Ce genre de mauvaises surprises arrivent fréquemment depuis le début de mon mandat ».
Avez-vous l’impression de devoir davantage prouver votre légitimité ?
« Plus que les hommes c’est sûr ! Mais c’est vrai que je dois la prouver de moins en moins car ça commence à rentrer dans les mœurs. En règle générale, il y a une forme de déni de légitimité pour les femmes. On considère qu’elles doivent en faire trois fois plus que les hommes pour prouver leurs compétences. Parfois, elles pensent elles-mêmes cela ».
Avez-vous l’impression qu’une femme en politique peut déranger ?
« Il y a une forme de condescendance. Même pour les municipales, beaucoup pensaient que je ne pourrais rien gagner juste parce que je suis une femme. Quand tu mets un pied dans la politique tu comprends très rapidement que tu rentres dans une arène où tu vas devoir affronter sans cesse des gens qui ne te veulent pas du bien. C’est ça la problématique de la politique, c’est un monde très violent. C’est de la baston, des coups bas, de la malveillance permanente et je pense que certaines femmes le supportent moins bien que les hommes ».
Dans cette arène, avez-vous plus de difficultés qu’un homme à vous faire entendre ?
« Je l’ai constaté récemment et de la part de quelqu’un de mon propre parti. Lors d’un déjeuner avec une ministre, au moment où j’ai commencé à parler, l’homme à ma gauche m’a coupé la parole au bout de 35 secondes. Pour certains ça parait assez insupportable qu’une femme puisse parler, s’exprimer, avoir une idée. Mais c’est commun, il faut savoir s’habituer ».
Pour permettre aux femmes de se faire davantage écouter en politique, y a-t-il une forme d’entraide qui s’est créée ?
« En France on ne sait pas créer de solidarité et c’est dommage car on y gagnerait énormément. Il y a des femmes qui adoptent un comportement totalement masculin pour exister. Elles reprennent la même agressivité, la même violence, les mêmes pratiques de malveillance. Tous les travers des vieux politicards finalement. C’est dommage parce que je suis persuadée qu’on peut avancer un féminisme politique. Une manière de faire de la politique différemment ».
Justement, qu’est-ce que les femmes ont de plus à apporter que les hommes en politique ?
« Je pense qu’on peut apporter une perception du monde moins froide et moins arithmétique qui est plus dans le lien. On sait mieux négocier et mieux travailler ensemble. Comme on a peut-être tendance à montrer plus nos émotions, notre approche des sujets est plus dans l’affect et la prise en compte psychologique. Je trouve ça intéressant ».
Pensez-vous qu’instaurer des quotas est une solution efficace pour encourager les femmes à s’engager en politique ?
« Je ne pense pas que les quotas soient suffisants. C’est l’organisation du temps de travail qu’il faut revoir. L’agenda d’une députée n’est pas compatible avec une vie de famille. Il a été mis en œuvre pour des hommes. Il faut prévoir la possibilité de s’occuper des enfants parce que malheureusement on n’a pas encore une égalité à ce niveau là. Il faut compter sur l’évolution de la société et des mentalités ».
Qu’avez-vous envie de dire à toutes ces femmes qui hésitent à s’engager en politique ?
« Il faut qu’elles osent ! Il faut foncer et ne pas se poser trop de questions. Elles ont le droit d’avoir de l’ambition. Je cherche constamment à permettre à certaines d’entre-elles d’émerger. J’ai envie que plus de jeunes femmes s’impliquent en politique. J’ai l’impression d’avoir une mission de ce côté. J’aimerais qu’on découvre des nouveaux visages féminins car encore aujourd’hui ce sont plus les hommes qui ont de l’ambition. On n’habitue pas les filles à la prise de risque. Ce qui permet aux femmes de s’émanciper et d’oser c’est de se confronter aux hommes dans la vie et d’avoir à batailler avec eux, à travailler avec eux mais aussi à les challenger sur un plan intellectuel ou sur un plan physique. Alors osez ! »