© Jeanne Dumas
La période des parrainages pour l’élection présidentielle s’étend du 30 janvier au 4 mars 2022. Échéance primordiale pour les candidats, le dépôt officiel des paraphes promis par les 42 000 élus leur permet d’entrer, pour de bon, dans la course à l’Elysée.
Guy Barret n’a jamais parrainé un candidat en trois mandats. « Nous sommes une équipe de tendances politiques différentes », justifie le Maire LR de la commune de Coudoux (Bouches-du-Rhône). Initialement conçue comme un garde-fou aux candidatures fantaisistes, régionalistes ou marginales, la règle des 500 parrainages fait débat à chaque période électorale. Au-delà de son fonctionnement, ce sont les modalités du système qui divisent. Le nombre d’élus choisissant d’offrir le précieux paraphe s’amoindrit à chaque élection. Seul un tiers des maires, parlementaires ou conseillers départementaux et régionaux acceptent d’apposer leur signature. D’autres, comme le député François-Michel Lambert (groupe « libertés et territoires ») hésitent encore sur l’identité du destinataire du paraphe, attendant un « rassemblement de la gauche et de l’écologie ». Quant à Cédric Maurel, Maire sans étiquette de la commune de Bessières (Haute-Garonne), il n’a aucun doute sur le fait qu’il parrainera un candidat. Un acte « très important pour la démocratie » affirme t-il.
Différents constats des limites du système
Si la logique voudrait que les élus donnent leur signature au candidat représentant leur parti, certains choisissent de privilégier la démocratie en se tournant vers ceux qui rencontreraient des difficultés à obtenir le seuil requis. On pense alors à Marine le Pen ou Eric Zemmour, qui comptent beaucoup de militants mais peu d’élus. Guy Barret confie être capable de parrainer, dans cette optique, un candidat aux idées différentes des siennes, voire radicalement opposées. Il en va de même pour Cédric Maurel, « du moment que ce n’est pas un extrémiste, qu’il n’est pas sectaire et qu’il est lui-même capable de travailler avec toutes les couleurs qui portent des idées démocratiques. Ce n’est que parée d’un costume d’arlequin que la république peut se vanter d’être démocratique ». Le député Lambert n’est pas du même avis. Selon lui, le fait que certains n’aient pas les signatures nécessaires participe justement à la sauvegarde de la démocratie.
Autre paramètre à prendre en compte : la publication des parrainages. Depuis la loi du 25 avril 2016, les détails des signatures sont rendus publics et disponibles directement sur Internet. Auparavant, seule une partie de la liste était exhibée au Conseil Constitutionnel, ce qui rendait les informations plus difficilement accessibles. François-Michel Lambert se réjouit de cette loi : « Parrainer, c’est porter avec un mandat démocratiquement obtenu, la confiance de ses concitoyens. Il est donc important d’à minima les respecter en étant transparent ». Cédric Maurel partage son enthousiasme : « il faut assumer ses convictions, ses choix, et ses actes ! Donc, je dis oui, oui et re-oui à la publication des parrainages. Il faut du courage en politique. Il en va de notre crédibilité à tenir le rôle que nous ont confiés nos concitoyens ».
Appliquée pour la deuxième fois cette année, cette loi est tout de même susceptible d’influer sur le comportement de certains élus. Le Maire de Coudoux explique effectivement que cette nouvelle règle « met la pression sur les maires non-encartés ».
D’autant que le climat d’insécurité des élus, dû à la forte hausse des agressions, renforce ce type de choix. Guy Barret explique en effet qu’il ne se sent pas libre de parrainer un candidat qui porte à polémique même si, selon lui, ces agressions sont plus tournées vers les Macronistes. D’autres, comme le député Lambert, considèrent au contraire que tous les candidats portent à polémique selon les points de vue et qu’en appliquant cette logique, aucun candidat ne serait parrainé. Cédric Maurel ajoute que lui se sent libre de parrainer qui il veut. « Avoir peur, c’est déjà blesser la liberté, et la liberté est si fragile que la blesser c’est la conduire à une mort certaine. Ce n’est pas parce qu’on parraine qu’on est agressé, c’est un fait sociétal ».
Différentes évolutions soutenues
Cédric Maurel constate que ce sont les élus qui sont les plus impliqués et assidus concernant la conduite du pays. En cela, la règle lui semble être un bon premier filtre dans le contexte actuel de désintéressement des électeurs en la politique. Les deux autres élus s’accordent toutefois sur la perfectibilité du système. Même si l’idée d’un vote citoyen, proposition de loi portée par les membres du groupe La France Insoumise, n’inspire que Guy Barret. Il trouve cependant qu’un tel système serait « lourd à mettre en œuvre ». Il s’agit de confier ce filtre directement aux citoyens plutôt qu’aux élus, pour un « renouveau démocratique ». Et pour éviter que des élus refusent de parrainer qui que ce soit.