© Marie Scagni
 
Depuis le 15 décembre 2021 et jusqu’au 2 mai 2022, le Mucem de Marseille accueille l’exposition « VIH/ Sida, l’épidémie n’est pas finie ». Un événement unique en son genre qui retrace l’histoire sociale et politique de l’épidémie. Portant un regard à la fois rétrospectif et contemporain, il revient sur les luttes passées tout en les réactualisant, rappelant que le virus se transmet toujours. Dans un contexte où le débat public sur la question sanitaire est largement concentré autour de la lutte contre la Covid-19, cette exposition met en avant les enjeux des héritages et les leçons des combats menés depuis plus de 40 ans. 

Archives de presse, photos ou encore affiches de propagandes… Le début de l’exposition revient sur le traitement du Sida dans les médias au début de l’épidémie, où certaines minorités étaient fortement stigmatisées. C’est en 1981 que le New York Times aborde pour la première fois le VIH et parle alors d’un « cancer des homosexuels ». Peu après, Libération reprend cette idée en évoquant en 1983, un « cancer gay ». Cette stigmatisation n’a pas encore totalement disparu malgré le progrès, comme le montre l’actualité. En effet, depuis 1983, la loi française discriminait les hommes homosexuels vis-à-vis du don du sang : considérés plus à même de transmettre le virus, il leur était interdit de donner leur sang jusqu’en 2016. Puis ils ont pu le faire seulement sous réserve de respecter une période d’abstinence d’un an. Ce n’est que le 16 mars 2022 que le don du sang sera ouvert à ces hommes sans condition. L’exposition montre bien l’intersection qui existe à cette époque entre le combat contre le VIH et les luttes LGBTQI+ mais aussi celles des minorités racisées, des travailleurs du sexe ou encore des usagers de drogue.

Les années 80, c’est aussi l’époque où commencent les premières mobilisations contre l’épidémie. Cependant, les photographes commencent la documenter assez tardivement. Ce n’est qu’en 1987 que Jane Evelyn Woods publiera dans la presse, les premières photos d’un malade du Sida à visage découvert, donnant ainsi une image plus humaine à la maladie.

 

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Un arsenal visuel symbolisant des années de lutte

 

Face aux décès liés à la maladie et à l’inaction des pouvoirs publics, la lutte contre le VIH/Sida s’organise avec la création d’associations aux États-Unis puis en France, notamment avec Act-Up et Aides. Des symboles émergent de ce militantisme, notamment avec Act-Up et son slogan « Silence = Death », ayant pour but d’inciter les personnes touchées par le virus à se mobiliser. Une multitude d’objets militants sont créés par ces associations pour rendre visible leur lutte dans l’espace public. Affiches, t-shirts, pins ou encore banderoles : 450 objets sont présentés tout au long de l’exposition, pour raconter leur histoire et leur redonner vie. Cette collection a été constituée à l’occasion d’une enquête-collecte sur le thème de « l’histoire et des mémoires des luttes contre le sida » de 2002 à 2006. Elle compte au total plus de 12 000 pièces, provenant essentiellement d’associations mais aussi de particuliers et d’institutions dans la quasi-totalité des pays d’Europe et de Méditerranée.

L’Histoire des mobilisations se retrace aussi grâce aux images des actions choc menées par les militants pour attirer l’attention de l’opinion publique et diffuser leur lutte. On peut citer « l’encapotement » de la colonne de la Concorde ou encore les Die-in mis en scène par Act-Up. Des manifestations ont également été menées à la suite de scandales comme l’affaire du sang contaminé, mais aussi à d’autres occasions. C’est notamment le cas de la Journée internationale de lutte contre le Sida, a lieu chaque 1er décembre depuis 1988.

 

© Marie Scagni

 

Un regard à la fois optimiste et préventif sur l’épidémie

 

À travers ces images et symboles, l’exposition a pour objectif de dissocier la maladie de son image morose et mortifère, en y montrant la créativité des militants et l’humour souvent employé dans les slogans et les affiches. Surtout, elle met en avant qu’il est de nos jours totalement possible de vivre avec le virus, notamment grâce à l’existence de traitements puissants apparus progressivement dès 1996. Avec une diversité de médicaments, l’exposition retrace l’évolution des traitements utilisés par les personnes séropositives et/ou malades. On est ainsi passés d’une dizaine de cachets par jour,  à une injection toutes les deux semaines, dans la plupart des cas.

En même temps, l’exposition s’inscrit dans une démarche de prévention en insistant, y compris dans son titre, sur le fait que « l’épidémie n’est pas finie ». En effet, dès la première salle, on aperçoit les chiffres liés à l’épidémie : 36 millions de personnes mortes du Sida et 38 millions vivent avec le VIH. Un compteur indique en temps réel le nombre de décès lié à la maladie depuis le début de l’exposition : 270 881. C’est le nombre de nouvelles contaminations au 30 janvier 2022, après 45 jours d’exposition. Encore aujourd’hui, une personne est contaminée par le VIH toutes les 19 secondes dans le monde, et une personne en meurt toutes les 46 secondes.

Enfin, l’exposition rappelle que l’accès au soin demeure très inégalitaire dans le monde, surtout au détriment de l’Afrique. En effet, les deux tiers des personnes contaminées vivent sur ce continent, où les traitements sont beaucoup moins accessibles.

 

Marie Scagni