« Moi, Tonya », réalisé par Craig Gillespie dépeint la jeunesse de Tonya Harding, patineuse artistique américaine. Au début des années 90, la jeune athlète détonne dans ce sport où tout n’est que classicisme et apparence. Son destin bascule après que sa concurrente, Nancy Kerrigan, est agressée au sortir d’un entraînement. Rapidement, les soupçons se tournent vers l’ex-mari et le garde-du-corps de Tonya. Accusée de faux témoignage, la patineuse est alors radiée de la fédération américaine de patinage.
1991, championnats des États-Unis. Dans son juste-au-corps turquoise, Tonya Harding, 20 ans, s’élance sur la glace. Depuis l’extrémité de son patin gauche, elle se propulse, exécute trois tours et demi dans les airs et atterrit sur son pied opposé. Bras écartés et sourire démesuré, la patineuse signe le plus beau moment de sa carrière, devenant la première Américaine à réaliser un triple axel en compétition.
Entre maltraitance et violence conjugale, « Moi, Tonya » aurait pu prendre le chemin du mélodrame larmoyant. Mais Craig Gillespie parvient à gérer le scénario avec subtilité, mêlant humour et gravité. À travers une bande-son rock et dynamique, les scènes de patinage insufflent rythme et fraîcheur au long-métrage. Chaque mouvement, costume ou coiffure, identifiable sur les images d’archive, sont reproduits à l’identique. Face à cette quête du réalisme, Gillespie choisit de prendre au mot la version de l’athlète et livre là un film personnel et grisant.
Affaire Harding-Kerrigan
Le 6 janvier 1994, veille des championnats américains, porte d’entrée pour les qualifications des JO de Lillehammer (Norvège), Nancy Kerrigan, principale rivale de Tonya Harding, achève son entraînement. Elle sort de la patinoire et emprunte le couloir menant aux vestiaires. Un homme s’approche, sort un bâton télescopique et frappe le genou d’appui de la patineuse. La jeune femme s’effondre au sol dans des cris de douleurs. Ses « Pourquoi, pourquoi, pourquoi ! » seront diffusés en boucle sur les chaînes nationales. Finalement l’athlète sort indemne de l’agression.
Malgré tout, le personnage de Nancy n’apparaît que quelques secondes à l’écran. Craig Gillespie ne laisse aucune latitude pour s’attacher à cette patineuse. « Sans vouloir minimiser ce qui est arrivé à Nancy Kerrigan – qui a été une chose épouvantable –, j’avais le sentiment que l’histoire de Tonya était beaucoup plus complexe et méritait d’être racontée. Je voulais la rendre humaine et, si possible, susciter de l’empathie à son égard. » justifie-t-il.
Cette empathie, le réalisateur la met notamment en exergue lors d’une scène. Avant l’épreuve de patinage artistique des Jeux Olympiques de Lillehammer, Tonya se maquille. Elle s’efforce de sourire, révélant des dents maculées de rouge à lèvres brun. Le visage rougi, des larmes de rage coulent le long de ses joues. La jeune femme est incapable de faire semblant. Ce jour-là, Nancy remporte la médaille d’argent et Tonya finit à la huitième place. Ce sera sa dernière compétition de patinage.
Amandine Sanchez