Les infirmières vauclusiennes au cœur de la pandémie
21 juin 2021

Pour ces portraits d’infirmières, nous avons choisi des quadras pour pouvoir comparer leurs expériences sur la pandémie actuelle avec un certain recul donné par leurs années de pratique. Elles travaillent toutes dans le Nord-Vaucluse, l’un des départements les moins impactés depuis la première vague leur donnant une certaine disponibilité pour se confier.

 

Selon Estelle : Les infirmières libérales sont complètement oubliées

Estelle Jordan est infirmière libérale à  Malaucène (Vaucluse) et les villages aux  alentours depuis sept ans. Dès le début de la crise sanitaire, elle a eu un sentiment d’oubli et témoigne.

Comment se passe votre travail depuis la Covid
19 ?

« Surchargé, car on nous demande d’être très rapides en termes d’action. Cela veut dire que si l’Etat nous dit de vacciner, nous nous devons d’être réactifs et adaptables. L’inquiétude des patients est aussi très présente. J’essaye de répondre comme je peux à leurs questions mais mes informations ne sont pas vraiment officielles. Je n’ai aucun protocole. »


Quels sont les changements dans vos
habitudes ?

« J’ai modifié mes horaires de travail et on peut dire qu’ils ont carrément doublé. Il y a aussi la façon de prendre en charge les patients qui a changé car nos relations avec eux ont été complètement bouleversées. Je veux dire que l’on prend beaucoup de temps à parler de la Covid 19, de la vaccination alors que ce n’est pas vraiment mon rôle. »


Vous sentez-vous en sécurité ?


« Non pas du tout, car les patients sont chez eux. Nous, les professionnels de santé qui intervenons au domicile des patients, nous devons nous adapter à leur mode de vie. Donc si les patients ne veulent pas mettre leur masque je ne peux pas les obliger. Malgré tout, j’essaye de leur faire porter en leur expliquant que c’est pour me protéger. »


Êtes-vous satisfaite des mesures prises par le gouvernement ?


« Malheureusement non car tous ceux qui ne sont pas agents hospitaliers ont été oubliés selon moi. Il faut savoir que j’ai participé à la non-surcharge des hôpitaux et que malgré cela je n’ai reçu ni prime, ni augmentation. Ensuite, au niveau des vaccins je n’ai pas fait partie de la première vague prioritaire. Aujourd’hui ce que l’on me propose c’est le vaccin qui protège le moins des variants. Puis, l’achat de masques, gants ou blouses sont totalement à ma charge. Quand, dans les pharmacies, je suis dans l’incapacité de me procurer mon équipement de travail, j’ai le sentiment d’être oubliée. »

 

Protéger les personnes âgées : une priorité pour Marjorie

Depuis 22 ans, Marjorie Baracat est infirmière dans un EHPAD, à Malaucène (Vaucluse). Elle travaille avec des personnes âgées qui sont comme tout le monde concernées par la pandémie.

Comment se passe votre travail depuis la Covid 19 ?


« Mon travail est assez compliqué car nous avons malheureusement eu des cas positifs parmi nos résidents durant la deuxième vague. Cela a entraîné un surcroît de travail puisque nous sommes une seule infirmière par jour habituellement. Il a donc fallu doubler tous les postes de travail le matin. »


Quels sont les changements dans vos habitudes ?


« Comme tous les membres du personnel, deux fois par jour je dois  prendre ma température afin de m’assurer que je n’ai pas de syndrome infectieux. Je porte aussi le masque pendant mes 12 heures de travail.  Pour ce qui est de l’hygiène des mains nous avons renforcé nos  habitudes. Je dois aussi être plus particulièrement attentive et mettre en isolement, systématiquement tout résident ayant une fièvre  supérieure à 38°C ou des signes d’infection. En janvier, le grand  changement a été la vaccination pour tous les résidents et les soignants qui le souhaitaient. »


Vous sentez-vous en sécurité ?


« Oui car la direction a pris toutes les mesures nécessaires pour que nous soyons pourvus en matériel supplémentaire depuis un an. Les restrictions auprès des familles continuent avec des visites sur rendez-vous et la distanciation sociale. »

Êtes-vous satisfaite des mesures prises par le gouvernement ?


« Non car à la suite des accords du Ségur de la santé du 21 juillet 2020, je n’ai pas eu l’augmentation promise aux soignants en EHPAD. Cela prouve qu’on ne reconnaît pas mon engagement auprès des seniors. »

 

Le quotidien d’une infirmière en centre hospitalier

Sandrine Guinard est une infirmière à l’hôpital de Vaison-la-Romaine (Vaucluse) depuis 22 ans. Elle a été comme tous les soignants du pays, particulièrement touchée par la crise de la Covid 19.

Comment est votre travail depuis la crise de la Covid 19 ?


« Depuis la crise, la prise en charge des patients n’est pas la même. L’hôpital est fermé aux visiteurs et tout doit se faire sur rendez-vous. En plus de cela, les familles téléphonent beaucoup afin d’avoir des nouvelles de leurs proches. La Covid 19 a été quelque chose de nouveau et de compliqué pour nous mais aussi pour les patients car nous portons des masques et sommes couverts par des blouses et autres équipements. »


Y a t-il eu des changements dans vos habitudes ?


« Avant la pandémie, j’étais infirmière en service de médecine. Cependant, l’ARS a transformé une partie des chambres en service Covid. Cela a bouleversé mes habitudes de soignante car maintenant je suis assignée aux patients atteint de la Covid 19. »


Vous sentez-vous en sécurité ?


« Oui, car on a tout ce qu’il nous faut. Pendant la crise du printemps nous n’avons connu aucune pénurie de masque ou de gel hydroalcoolique comme ça a été le cas dans certains hôpitaux. Depuis le mois de mars, un secteur Covid est ouvert en permanence dans le service afin d’accueillir les malades. »


Êtes-vous satisfaite des mesures prises par le gouvernement ?


« Pas vraiment … Le gouvernement prévoit de grandes choses mais on verra ce qui va être vraiment appliqué. Avant cette crise sanitaire, nous avions déjà des problèmes. La Covid 19 a simplement permis de mettre en lumière les difficultés que l’on connaît depuis des années comme le manque de personnel dans nos services. »

 

Béatrice : « La crise a été un plus gros problème pour nos patients que pour nous »

Béatrice Llorace est infirmière depuis 26 ans. Elle exerce son métier dans le secteur de la psychiatrie à l’hôpital d’Orange (Vaucluse), depuis 18 ans et nous parle de son quotidien pendant la pandémie.

Comment se passe votre travail depuis la crise de la Covid 19 ?


« J’adapte mon travail en fonction des demandes des patients. Malgré la Covid 19, nous sommes restés dans la continuité du soin et on ne peut pas dire s’il y a eu plus ou moins de travail. Bien que pendant le confinement du printemps dernier, le télétravail était privilégié, tout est revenu à la « normale » si je peux dire. Après comme tout le monde nous sommes soumis aux restrictions sanitaires. »


Il y a-t-il eu des changements dans vos habitudes ?


« Au niveau de l’hygiène principalement. Pendant nos visites nous devons porter un équipement, ce qui est moins bien perçu chez nos patients. Cela pouvait les angoisser et donc modifier notre relation de confiance avec eux. C’est ce qui crée la grande différence entre les soins généraux et la psychiatrie. Je peux dire que la crise a été un plus gros problème  chez nos patients que pour nous. »


Vous sentez-vous en sécurité ?


« Malgré le fait que j’ai été cas contact plusieurs fois, je me sens tout de même en sécurité. Nous avons les masques, le gel hydroalcoolique et les équipements pour tout le monde et nous ne sommes jamais tombés en pénurie. »


Êtes-vous satisfaite des mesures prises par le gouvernement ?


« Dans l’ensemble oui car nous avons tous les équipements nécessaires à l’hôpital. Cependant, pendant le premier confinement, du côté de la psychiatrie on aurait pu modifier les plannings et arranger les familles qui devaient garder leur  enfant à la maison. Nous ne pouvions pas nous absenter car il fallait un maximum de personnel en cas de personne positive à la Covid 19, alors que nous aurions pu faire tourner le service avec un effectif réduit. »


Lucie Lanzon