Adaptation de l’ouvrage de Vanessa Springora, Le Consentement est à l’affiche depuis ce mercredi 18 octobre. Portée à l’écran par Vanessa Filho, l’œuvre retranscrit le témoignage glaçant de la relation pédo-criminelle entre l’auteure du livre, à partir de ses treize ans, et Gabriel Matzneff, célèbre écrivain français.

Deux ans après le lancement de #metoo, Vanessa Springora publiait son récit autobiographique Le Consentement en janvier 2020, dénonçant son bourreau et prédateur sexuel, Gabriel Matzneff. L’adaptation cinématographique d’un tel récit constituait un défi de taille pour la réalisatrice Vanessa Filho. Défi relevé, à en voir les mines graves des spectateurs en sortant de la salle. « Je suis complètement bouleversée, j’ai un nœud à l’estomac » avoue Camille, dix-sept ans, les yeux luisant de larmes. Dans toutes les têtes, les images sont désormais ancrées et les mots résonnent, tel un malaise. « Ce n’est que de l’amour » murmure à plusieurs reprises celui qui incarne Gabriel Matzneff.  

Tout commence en 1985, au beau milieu d’un repas mondain. D’un côté de la table, la jeune Vanessa, treize ans, adolescente sans histoire qui accompagne sa mère ; de l’autre, Gabriel Matzneff, écrivain renommé, réputé pour ses pratiques et écrits pédophiles. En deux heures, Kim Higelin et Jean-Paul Rouve, qui interprètent respectivement Vanessa Springora et Gabriel Matzneff, livrent une performance impressionnante. L’histoire de l’emprise d’un adulte sur une enfant de treize ans, l’« enfant chéri », la « muse » du cinquantenaire. Tandis que ses camarades jouent au ballon dans la cour de récréation du collège, le quotidien de la fillette est tout autre : entre hôtels et studio parisien de l’écrivain, les scènes de manipulations, agressions physiques et verbales, viols, se succèdent, entrecoupés de gros plans sur les mains baguées du pédo-criminel. En fond sonore, on reconnaît les paroles d’une chanson de Barbara : « Qu’importe mes souvenirs, ceux de l’enfance sont les pires ».    « En ayant lu le livre, je pensais que ces scènes seraient les plus choquantes. Finalement ce sont les paroles qui m’ont le plus marqué » admet Guillaume. « L’actrice principale est impressionnante. Elle transmet toutes ses émotions si facilement ». A côté, ses amis opinent, silencieux.

La littérature a-t-elle tous les droits ?

Outre la performance des acteurs et la fidélité de la mise en scène à l’ouvrage littéraire de base, le public retiendra surtout le cautionnement muet de l’intelligentsia parisienne des années 80. Cette élite qui a préféré taire les pratiques de prédateur sexuel de l’écrivain. « C’est fou que personne n’ait rien dit, que tout le monde ait fermé les yeux » s’indigne Céline. « C’était vraiment une époque très étrange ». A la manière d’Olivier Duhamel, beau-père incestueux de Camille Kouchner dénoncé dans La familia grande, Matzneff joue de son aura pour impressionner, charmer, manipuler puis jeter ses victimes. Sous prétexte de littérature, de beauté des mots, et de libertés si fortement revendiquées par ce milieu élitiste, les pires des crimes passent pour acceptables, sur le papier, comme dans la réalité. La morale fait bien piètre figure devant la littérature à tel point que l’auteur se voit même récompensé pour son « art » avec les prix Amic en 2009 et Renaudot essai en 2013. 

Le septième art, un moyen de divertissement, est aussi une arme de sensibilisation pour Le Consentement. « C’est un film d’utilité publique. Il n’est pas là pour choquer ou mettre mal à l’aise, mais plutôt pour dénoncer » explique Céline. Le deuxième long-métrages de Vanessa Filho met au cœur des débats la question de la pédo-criminalité à l’heure où inceste et viols sont encore tabous. “On parle beaucoup plus des films que des livres. Les images ont plus d’impact. Au-delà de sensibiliser, c’est surtout montrer que ça existe et faire en sorte que les victimes ne se sentent plus seules” affirme Stéphanie, membre du Collectif Enfantiste 13.  

Si pendant des années le cas Matzneff est passé sous les radars, l’écrivain est finalement inquiété par la justice pour « viols sur mineur de moins de quinze ans » au lendemain de la parution de l’ouvrage de Vanessa Springora … après avoir prôné haut et fort sur les plateaux télé et dans tous les médias son « style de vie » durant des années. Depuis, la procédure judiciaire piétine. “C’est le problème avec la justice aujourd’hui. Les langues se délient mais les procès ne suivent pas. Il y a encore tant d’enfants qui sont victimes et qui le restent à cause de l’inaction judiciaire.” déplore la militante du Collectif. Mais aujourd’hui, l’affaire prend un nouveau virage, divulguée aux yeux de tous. 

Colombe Laferté