Le 12 octobre 2020, Laurent Isnard, préfet maritime de la Méditerranée, a signé un arrêté réglementant la zone de mouillage des navires. Les bateaux de plus de 24 mètres ne peuvent plus poser l’ancre à certains endroits afin de protéger les fonds marins aussi appelés la posidonie. La région Sud-PACA constitue un espace touristique très important, et mise beaucoup sur sa filière maritime. Ce décret a donc des répercussions majeures sur le secteur des professionnels de la mer. “35% des yachts de la planète se trouvent en région Sud-PACA” affirme Mathieu Reix. Le fondateur de l’association “SOS navigation” âgé de 59 ans est capitaine de yacht à Cannes. « Passionné par tout ce qui flotte et plus généralement tout ce qui touche au milieu marin », il est le porte-parole des professionnels de la mer qui ont décidé de contester cette réglementation.
Que pensez-vous du décret maritime frappant les yachts de plus de 24 mètres ?
“C’est une très bonne décision pour la posidonie mais une très mauvaise nouvelle pour le monde du yachting. Nous sommes des marins, amoureux de la Méditerranée.
Il y avait un compromis intelligent à mettre en place pouvant satisfaire les deux parties, c’est-à-dire les bureaucrates et nous, les professionnels de la mer. Ce décret a été imposé sans concertation avec les professionnels naviguant et j’insiste bien sur « naviguant », c’est-à-dire les capitaines en activité. Ils ont donc interdit aux navires de plus de 24 mètres de mouiller. Cette caractéristique reste un mystère pour nous. On ne sait pas pourquoi cette taille spécifique. Il faut savoir que l’industrie du yachting sur la région Sud-PACA représente plus de 4 milliards d’euros par an.”
Que s’est-il passé après la parution de l’acte ?
« Plutôt que de trouver une solution en amont, le décret est sorti et a distribué bon nombre de contraventions. Ça fait une super surprise pour les étrangers : bienvenue dans les eaux internationales françaises !
La consultation de ce décret a été faite du 10 août au 1er septembre de l’année dernière, période pendant laquelle toute notre profession est en activité. Cela a entraîné notamment un départ en masse de navires vers l’étranger pour éviter cette réglementation. Il y a moins de postes pour les travailleurs français.
Des solutions ont-elles été trouvées ?
Tout le monde s’est affolé d’un coup afin de trouver une solution en urgence : Préfecture maritime, Direction Interrégionale de la Mer Méditerranée (DIRM) et bien d’autres. Des forums de mouillages ont été organisés à Marseille, l’année dernière, auxquels j’étais présent et où ils nous ont mis de la poudre aux yeux, pour nous annoncer la mise en place de 24 bouées pour les yachts !
Finalement, il y a eu seulement 6 bouées installées à des endroits sans intérêt pour nous. La solution n’a pas du tout été efficiente. Des bureaucrates ne peuvent pas comprendre notre métier en tant que marins, ils ne comprennent pas nos besoins. Ils ont réorganisé le même forum de mouillages ce mois-ci, mais je n’ai malheureusement pas pu y participer, j’attends avec hâte le compte-rendu. »
Pourquoi avoir créé l’association “SOS navigation” ?
« Au début pour contester le décret et maintenant pour défendre le milieu des professionnels du yachting. Au départ, tout le monde nous a suivis sur ce mouvement de contestation. Maintenant je leur demande seulement d’adhérer pour un euro symbolique à notre association mais malheureusement ça ne prend pas. J’appelle à cette même “solidarité maritime” que j’ai bien connue sur les plans d’eaux bretons. L’idée finale est d’obtenir autant de membres possibles afin d’avoir du poids et d’être entendus. »
Selon vous, qu’est-ce qui est à l’origine de ce décret ?
Ce décret est né à la suite à une vidéo tournée par la société “Andromède Océanologie”. C’est une grande farce, jamais un capitaine responsable ne pourrait traîner son ancre dans la posidonie comme filmé dans cette vidéo.
Nous remontons toujours nos ancres à la verticale de nos navires, le bateau avance au fur et à mesure que l’on remonte l’ancre, une façon de faire bien spécifique.
Cette vidéo a été tournée par trois plongeurs bien équipés et installés à l’abri dans les fonds marins, à l’insu d’un capitaine qui remontait son ancre de la mauvaise manière. Aussi, une application appelée Donia existe pour ancrer hors zone de posidonie ou de réserver sa bouée/coffre d’amarrage. Cette application appartient également à « Andromède Océanologie ». Est-ce une pure coïncidence ? A méditer …
Que faudrait-il faire pour pallier ce problème et protéger la posidonie ?
La création de coffre pour les yachts et la simplification des démarches administratives actuellement mises en place. Il faut attendre une année entre l’envoi d’un dossier de demande de coffres et la mise à l’eau. Aussi, je me suis rendu au Ministère de la Mer à Paris et à la Préfecture Maritime de Toulon pour nous faire entendre.
Je pars du principe que si l’on est marin on respecte l’environnement. C’est ma façon de voir les choses, maintenant et comme partout ailleurs, il existe toujours d’autres capitaines qui s’en fichent complètement.
Vous êtes passé à la télé, avez répondu à différents articles, avez-vous obtenu une réponse de la part du gouvernement ?
Non, le décret est toujours effectif, nous n’en parlons plus mais c’est parce que nous attendons la mise en place de coffres. Affaire à suivre…
Emmanuelle Audibert et India Reix