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Après 12 jours de plaidoiries et de contradictoires, Agathe Smondack Salvador s’est hissée à la première place du concours d’éloquence Démosthène de la Faculté de droit et de science politique d’Aix-en-Provence. En prime, elle est la première femme à gagner le concours depuis sa création en 1995. Portrait d’une oratrice accomplie. 

Jeudi 2 février, 20 heures, amphithéâtre Portalis, Agathe Smondack Salvador retient son souffle. L’étudiante juriste est en finale de son tout premier concours d’éloquence. La pointe de sa bottine rouge à talon martèle à rythme régulier le sol des coulisses. Dans quelques secondes, elle montera sur l’estrade. “Il y a énormément de monde, c’est impressionnant l’ampleur que le concours Démosthène prend” raconte-t-elle. De l’ampleur, c’est le moins qu’on puisse dire. Plus de 1200 auditeurs s’étaient réunis pour assister aux ultimes joutes. Elle passe la main dans son collier de perles, réhausse ses lunettes. Un rapide coup d’œil à la salle comble et elle se lance : “Cher contradicteur, cher jury, cher public, bonsoir !”. 

“Je ne me suis jamais excusée d’exister” 

Si Agathe a excellé sur son sujet final “Était-ce écrit ?”, c’est grâce à un travail sans relâche et une motivation sans faille. Ce n’était pas son premier exercice oratoire – la jeune femme a déjà participé et gagné deux fois le Model United Nations, une simulation de débat à l’ONU – mais c’était la première fois qu’elle participait à un concours d’éloquence. “Je ne jouais pas un rôle dans ma plaidoirie. Le concours d’éloquence est beaucoup plus personnel”. De sa personne, Agathe en a donné. Entraînements réguliers avec un de ses chargés de travaux dirigés, répétitions quotidiennes devant ses camarades du Lab’oratoire – association d’étudiants orateurs dont elle fait partie – ; des poules à la finale , la jeune femme a enchaîné les étapes avec brio. Pourtant, elle ne se voyait pas aller aussi loin. “J’ai hésité à m’inscrire. J’avais peur d’être déçue de moi-même” confie-t-elle. “Au fur et à mesure que je passais les étapes, j’y croyais. Je me disais « donne tout et tu verras bien »”. Alors, Agathe a tout donné, ou plutôt s’est totalement livrée. Anecdotes personnelles, notes humoristiques, auto-dérision, la jeune oratrice a su capter son auditoire. “J’ai toujours été à l’aise à l’oral. J’aime partager et communiquer mes idées. Je ne me suis jamais excusée d’exister” admet-elle. “Je ne cherchais pas à faire quelque chose de beau, mais plutôt à faire quelque chose de personnel pour marquer les esprits”. Pour atteindre cet objectif, l’oratrice accomplie a fait appel à ses talents de rédactrice. Dès l’annonce des sujets, Agathe s’est mise à griffonner. Des pages et des pages de notes de brouillon plus tard, les idées se sont organisées. C’est le quotidien, les petits détails de ce qu’elle voit, entend, ressent qui l’inspirent. “J’écris tout ce qui me passe par la tête. Une fois que c’était assez clair, je fais des recherches philosophiques pour étoffer mon propos”. Pendant 12 jours, son quotidien est centré autour du concours. Si elle apprécie particulièrement la bienveillance qui règne entre les candidats, elle admet tout de même avoir été “très stressée”. “Je dormais mal, mangeais mal jusqu’à perdre du poids”.  

Face à face  

Sa plaidoirie était généralement prête seulement quelques heures avant de se présenter devant le jury. Hors de question de passer avec un travail imparfait aux yeux de la jeune femme. “Les jurys étaient vraiment impressionnants, même lorsqu’on connaissait certains de ses membres. Ce sont eux qui m’ont le plus intimidée … pas le public”. Lors du contradictoire, moment où les contradicteurs répondent directement à la thèse de la partie adverse, il ne s’agit plus que d’improvisation. Il faut trouver les mots justes et rebondir sur les idées de l’adversaire. Puis, arrive le moment fatidique des questions du jury. Concentration, oreilles tendues, espoir que les idées de réponse fusent. Mais si Agathe n’a pas la réponse, elle a tout de même son arme secrète : l’humour. “Je contournais les questions compliquées en répondant quelque chose de marrant”.  

La première femme lauréate  

Il n’existe pas de petites victoires, mais certaines sont plus grandes que d’autres. Et pour Agathe, c’est à deux égards que sa victoire est à ranger dans la deuxième catégorie. Outre sa place de numéro 1 du classement cette année, elle enchaîne les exploits : elle est la première femme à gagner le concours depuis sa création en 1995 et également la première candidate à rafler la marche la plus haute du podium après une unique participation. 

De bon augure pour celle qui rêve de devenir avocate. Agathe Smondack Salvador saura donner autant de la voix à la barre qu’elle a su le faire à Démosthène. 

Colombe Laferté