©Aliénor Lefèvre
Sorti le 9 mars 2022, Goliath a attiré 267 284 spectateurs en une semaine. C’est le troisième meilleur score pour un film français cette année. Bouleversant et engagé, ce thriller écologique réalisé par Frédéric Tellier nous embarque au cœur du combat acharné contre les pesticides.

Trois destins radicalement opposés vont se croiser à la suite du suicide de Lucie, agricultrice mariée à une victime des pesticides. France, jouée par Emmanuelle Bercot, militante contre ces substances, se bat pour que soit interdite la tétrazine, responsable du cancer de son mari. Pierre Niney prête ses traits à un brillant lobbyiste, Mathias, qui défend les intérêts d’un géant de l’agrochimie. Enfin, Gilles Lellouche incarne un avocat en droit de l’environnement qui devient rapidement la proie de ces groupes de pression. Tous les trois consacrent leur énergie pour un même combat : la tétrazine. Entre ceux qui souhaitent la faire interdire et ceux qui prônent ses bienfaits, tous les coups sont permis pour faire entendre sa voix.  

Le pouvoir insoupçonné des lobbyistes

Mathias, jeune lobbyiste exerce brillamment son métier. Une réelle passion l’anime. Frédéric Tellier cherche à montrer l’envers de cette profession sans pour autant l’incriminer. Discret, ce personnage possède un pouvoir important car c’est lui qui souffle à l’oreille des géants de l’agrochimie. Pierre Niney parvient à devenir ce petit génie agaçant qui a réponse à tout. Avant de convaincre les autres, il se persuade lui-même et donne un sens plus profond que financier à ce qu’il fait : « Les gens sont perdus, notre métier c’est de les rassurer ». Pour ces représentants d’intérêts, cacher la vérité ce n’est pas mentir. Soudoyer ou user de leur force, tout est permis pour faire taire ceux qui tentent de dévoiler la vérité.

La voix étouffée des victimes

Deux mondes s’opposent, d’un côté Paris et de l’autre la campagne et ses victimes directes des pesticides. Le thriller illustre bien le fossé présent car les négociations sont guidées par les intellectuels parisiens : les lobbyistes et l’avocat des victimes. La souffrance des agriculteurs est cachée et aucun dialogue n’est établi entre eux et Mathias. Avant de mettre fin à ses jours, Lucie met en avant ce manque de considération, « la parole s’est libérée mais elle n’est pas entendue ». Si les victimes sont aussi peu prises en compte, c’est parce qu’elles dérangent. Si les pesticides ne sont pas dangereux pour la santé, elles ne peuvent donc pas exister. Quand l’agricultrice décède, les lobbyistes s’activent pour étouffer le scandale : « Il faut éviter qu’elle incarne le symbole écologiste ». Tout est déshumanisé. Dans ce monde, le seul mot d’ordre est le profit. La santé est placée au second plan. Les militants subissent cette triste réalité et France admet qu’elle a « honte de vivre dans ce monde ou chaque jour est guidé par le profit ».

Un film à ne pas rater qui alarme sur la nécessité d’ouvrir les yeux sur tout ce qui peut être dit. Certains lobbyistes se contenteraient de morceaux de la réalité pour les adapter à leurs intérêts. C’est à nous de prendre en compte toutes les informations et surtout d’entendre la parole des victimes. 

Aliénor Lefèvre